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chasser les Prussiens. » Jules Favre, Jules Simon, Jules Ferry, Gambetta, Crémieux, Emmanuel Arago, Glais-Bizoin, Pelletan, Garnier-Pagès, Picard, se déclarèrent Gouvernement, lurent leurs noms à la foule. Il y eut bien des réclamations. On leur cria des noms révolutionnaires : Delescluze, Ledru-Rollin, Blanqui ; Gambetta, très applaudi, démontra que seuls les députés de Paris étaient aptes à gouverner. Cette théorie fit entrer au Gouvernement Rochefort ramené de Sainte-Pélagie et qui apportait de la popularité.

Ils envoyèrent au général Trochu, pour le supplier de diriger la défense. Le général avait promis, sur sa parole de Breton, catholique et soldat « de se faire tuer sur les marches des Tuileries pour défendre la dynastie. » Les Tuileries n’ayant pas été attaquées, — le peuple les dédaigna, — Trochu, délesté de son triple serment, monta les marches de l’Hôtel-de-Ville. Il exigea qu’on lui garantît Dieu et il voulut la présidence. On lui donna la présidence et le reste.

Douze citoyens entrèrent ainsi en possession de la France. Ils se déclarèrent légitimés par l’acclamation populaire. Ils prirent le grand nom de Gouvernement de la Défense nationale. Cinq de ces douze-là avaient perdu la République de 1848.

La France était bien à eux. Au premier murmure de la Concorde, l’impératrice avait ramassé ses jupes et dégringolé par un escalier de service. Le belliqueux Sénat, Rouher en tête, avait filé à l’anglaise. Quelques députés ayant fait mine de se réunir au Palais-Bourbon, il suffit de leur détacher un commissaire armé de scellés. Grands dignitaires, gros fonctionnaires, féroces mamelucks, impérieux ministres, chambellans solennels, généraux moustachus, s’esquivèrent piteusement le 4 septembre, comme une bande de cabotins sifflés.

Les délégués des Chambres syndicales et de l’Internationale vinrent, le soir, à l’Hôtel-de-Ville. Dans la journée, ils avaient envoyé une nouvelle adresse aux travailleurs d’Allemagne, les adjurant de s’abstenir dans cette lutte fratricide. Leur devoir de fraternité rempli, les travailleurs français n’étaient plus qu’à la défense et ils demandaient au gouvernement de l’organiser. Gambetta les reçut fort bien et répondit à leurs questions.