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Bazaine a rejeté trois corps d’armée dans les carrières de Jaumont. C’était la bataille de Gravelotte, dont le résultat final fut de couper Bazaine de Paris et de le refouler vers Metz. La vérité perce vite : Bazaine est bloqué. Le Corps législatif ne bronche pas. Il reste encore une armée libre, celle de Mac-Mahon, mélange de soldats vaincus et de jeunes troupes, un peu plus de cent mille hommes. Elle occupe Châlons, peut couvrir Paris. Mac-Mahon lui-même l’a compris, dit-on, et veut rétrograder. Palikao, l’impératrice, Rouher le lui défendent, télégraphient à l’empereur : « Si vous abandonnez Bazaine, la révolution est dans Paris. » La peur de la révolution hante les Tuileries plus que celle de la Prusse, au point d’expédier sur Beauvais, en wagon cellulaire, presque tous les détenus politiques de Sainte-Pélagie.

Mac-Mahon obéit ; pour parer la Révolution il découvre la France. Le 25, on connaît au Corps législatif cette marche insensée qui achemine l’armée incohérente à travers deux cent mille Allemands victorieux. Thiers, revenu en faveur depuis les désastres, dit, démontré dans les couloirs que c’est folie. Personne ne monte à la tribune. Stupides, ils attendent l’inévitable ; l’impératrice continue d’expédier ses malles à l’étranger.

Le 30 au matin nous sommes surpris, écrasés à Beaumont et pendant la nuit Mac-Mahon pousse l’armée débandée dans le creux de Sedan. Le 1er septembre au matin, elle est cernée par deux cent mille Allemands, sept cents canons qui couronnent toutes les hauteurs. Napoléon III ne sait tirer son épée que pour la remettre au roi de Prusse. Le 2, toute l’armée est prisonnière. L’Europe entière le sut le soir même. Les députés ne bougèrent pas. Dans la journée du 8, quelques hommes énergiques essayèrent de soulever les boulevards ; ils furent repoussés par les sergents de ville ; le soir une foule immense se pressait aux grilles du Corps législatif. À minuit seulement, la Gauche se décide. Jules Favre demande une commission de défense, la déchéance de Napoléon III, point celle des députés. Au dehors on crie : Vive la République ! Gambetta accourt aux grilles et dit : « Vous avez tort, il faut rester unis, ne pas faire de révolution. » Jules Favre