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APPENDICE

« De jeunes femmes, jolies de visage et vêtues de robes de soie, descendaient dans la rue, un revolver au poing, tiraient dans le tas, et disaient ensuite, la mine fière, le verbe haut, l’œil chargé de haine : « Fusillez-moi tout de suite ! » Une d’elles, qui avait été prise dans une maison d’où l’on avait tiré par les fenêtres, allait être garrottée pour être conduite et jugée à Versailles.

« — Allons-donc ! s’écria-t-elle, épargnez-moi l’ennui du voyage !

« Et se campant contre un mur, les bras ouverts, la poitrine au vent, elle semblait solliciter, provoquer la mort.

« Toutes celles qu’on a vu exécuter sommairement par des soldats furieux, sont mortes l’injure à la bouche, avec un rire de dédain, comme des martyres qui accomplissent, en se sacrifiant, un grand devoir. »


XXX


«… Le général de Lacretelle donna l’ordre de fusiller M. Cernushi… »

Lors d’un procès intenté en 1876 à M. Raspail fils, pour sa brochure en faveur de l’amnistie, la lettre suivante adressée à ce dernier par M. Hervé de Saisy, sénateur, fut lue à l’audience :

« Je ne puis, par un motif de discrétion vis-à-vis de diverses personnes, renouveler dans cette lettre le récit que je vous ai fait de vive voix dans la circonstance que vous me rappelez ; toutefois, je tiens à répondre à votre appel plein de courtoisie en répétant ici les paroles qui servirent de considérant à l’arrêt inique par lequel les jours de M. Cernuschi ont été menacés, dans la journée où les troupes s’emparèrent de la prison Sainte-Pélagie et du Jardin des Plantes.

« Voici les paroles prononcées par le général de division qui donna cet ordre d’exécution sommaire.

« Apprenant que Cernuschi s’était rendu à la prison, à la porte de laquelle je vis sa voiture, il dit à un interlocuteur que je ne puis désigner : « Ah ! c’est Cernuschi, l’homme aux cent mille francs du plébiscite ; retournez à