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APPENDICE

« Un fonctionnaire de Versailles me fait le récit suivant :

« — Dans la journée de dimanche, j’ai fait une excursion à Paris. Je me dirigeais près du théâtre du Châtelet, vers le gouffre fumant des ruines de l’Hôtel-de-Ville, lorsque je fus enveloppé et entraîné par le torrent d’une foule qui suivait un convoi de prisonniers.

« J’ai retrouvé en eux les mêmes hommes que j’avais vus dans les bataillons du siège de Paris. Presque tous m’ont paru être des ouvriers.

« Leurs visages ne trahissaient ni désespoir, ni abattement, ni émotion. Ils marchaient devant eux d’un pas ferme, résolu, et ils m’ont paru si indifférents à leur sort que j’ai pensé qu’ils s’attendaient à être relâchés. Je me trompais du tout au tout. Ces hommes avaient été pris le matin à Ménilmontant, et ils savaient où on les conduisait. Arrivés à la caserne Lobau, les cavaliers qui précédaient l’escorte font faire le demi-cercle et empêchent les curieux d’avancer.

« Les portes de la caserne s’ouvrent toutes grandes pour laisser passer les prisonniers et se referment aussitôt.

« Une minute n’était pas écoulée et je n’avais, pas fait quatre pas, qu’un feu de peloton terrible retentit à mes oreilles. On fusillait les vingt-huit insurgés. Surpris par cette terrible détonation, je ressentis une commotion qui me donna le vertige. Mais ce qui augmenta mon horreur, ce fut, après le feu de peloton, le retentissement successif des coups isolés qui devaient achever les victimes. »


XXIX


« … On vit des femmes exaspérées tirer sur des officiers…

Francisque Sarcey écrivait, dans le Gaulois du 13 juin ;

« Des hommes qui sont de sang-froid, du jugement et de la parole de qui je ne saurais douter, m’ont parlé avec un étonnement mêlé d’épouvante de scènes qu’ils avaient vues, de leurs yeux vues, et qui m’ont fort donné à réfléchir.