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APPENDICE


XXVIII


Les victimes mouraient simplement, sans fanfaronnade.

Un journal de la bourgeoisie belge des plus violents contre la Commune, l’Étoile, laissait échapper cet aveu : « La plupart ont été au-devant de la mort, comme les Arabes après les batailles, avec indifférence, avec mépris, sans haine, sans colère, sans injure pour leurs exécuteurs.

« Tous les soldats qui ont pris part à ces exécutions et que j’ai questionnés, ont été unanimes dans leurs récits.

« L’un d’eux me disait : « — Nous avons fusillé à Passy une quarantaine de ces canailles. Ils sont tous morts en soldats. Les uns croisaient les bras, et gardaient la tête haute. Les autres ouvraient leurs tuniques et nous criaient : — Faites feu ! Nous n’avons pas peur de la mort.

« Pas un de ceux que nous avons fusillés n’a sourcillé. Je me souviens surtout d’un artilleur qui, à lui tout seul, nous a fait plus de mal qu’un bataillon. Il était seul pour servir une pièce de canon. Pendant trois quarts d’heure, il nous a envoyé de la mitraille et il a tué et blessé pas mal de mes camarades. Enfin, il a été forcé. Nous sommes descendus de l’autre côté de la barricade. Je le vois encore. C’était un homme solide. Il était en nage du service qu’il avait fait pendant une demi-heure. — À votre tour, nous dit-il. J’ai mérité d’être fusillé, mais je mourrai en brave. »

« Un autre soldat du corps du général Clinchant me racontait comment sa compagnie avait amené sur les remparts quatre-vingt-quatre insurgés pris les armes à la main.

« — Ils se sont tous mis en ligne, me disait-il, comme s’ils allaient à l’exercice. Pas un ne bronchait. L’un d’eux, qui avait une belle figure, un pantalon de drap fin fourré dans ses bottines et une ceinture de zouave à la taille, nous dit tranquillement : — Tâchez de tirer à la poitrine, ménagez ma tête. — Nous avons tous tiré, mais le malheureux a eu la tête à moitié emportée. »