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APPENDICE

jours d’arrêt pour la levée des lettres, ce qui excita des murmures et je dus expliquer les faits dans une affiche. Au bout de quarante-huit heures, Massen et Coulon eurent réorganisé les levées et les distributions, malgré des difficultés de détail innombrables.

« Tous les citoyens dont les services avaient été acceptés à titre d’auxiliaires reçurent provisoirement, jusqu’à ce qu’on eût pu apprécier leurs aptitudes, une paye de 5 francs par jour.

« Nous trouvâmes par hasard des timbres-poste de 10 centimes au fond d’une caisse. Camélinat, devenu directeur de la Monnaie, requit les planches et le matériel et fit fabriquer, tout en faisant commencer un nouveau modèle, auquel on ne put donner suite.

« Pendant les premiers jours, des ballots de lettres de Paris à destination de la province furent acceptés par le receveur de Sceaux, qui n’avait pas encore d’instructions précises ; puis le blocus fut complet. Le départ pour la province devint une lutte de tous les jours. On expédiait à Saint-Denis, gardé par les Prussiens, qui laissaient menacer nos agents par les gendarmes ; on envoyait des agents secrets jeter les lettres dans les boîtes des bureaux à dix lieues à la ronde. Les lettres de Paris pour Paris étaient seules frappées d’un timbre à date. Celles expédiées en province par nos contrebandiers n’avaient que le timbre d’affranchissement, ce qui ne permettait pas de les distinguer des autres. Lorsque Versailles s’aperçut de cette manœuvre, il imagina de modifier le pointillé du timbre. On en fut quitte à Paris pour expédier sans les affranchir les lettres d’une certaine importance, et l’on fit prendre des timbres-poste dans les bureaux de Versailles et de Saint-Denis, ce qui diminuait notre recette mais assurait la transmission.

« Si le bureau des départs pour le dehors pouvait encore fonctionner, celui des arrivées était dépourvu de toute besogne. Les lettres venues de la province s’accumulaient à Versailles. Quelques industriels établirent des agences où, moyennant une rétribution élevée, on pouvait prendre les lettres qu’ils allaient chercher à Versailles. Ces gens-là exploitaient la population, mais nous ne pouvions les suppléer. Nous fûmes obligés de fermer les yeux. On se contenta de rogner quelque peu leurs bénéfices en prélevant sur chaque lettre le prix de Paris pour Paris sans qu’ils pussent augmenter le prix fixé sur leurs annonces.

« Les agissements de Versailles pour désorganiser les services reconstruits furent déjoués à plusieurs reprises,