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APPENDICE

l’avait accepté. Dans le cours de la discussion, il nous déclara qu’il était socialiste mutuelliste, partisan des idées de Proudhon, et par conséquent hostile aux idées communistes qui venaient de triompher avec la révolution du 18 Mars. Je lui répondis que la révolution du 18 Mars n’était pas le triomphe d’une école socialiste, mais le prélude d’une transformation sociale sans acception d’école et que, moi-même, j’appartenais au courant mutuelliste. Après une longue conversation où il se déclara prêt à reconnaître l’autorité de la Commune, qui allait être nommée dans deux ou trois jours, il me proposa de soumettre au Comité Central la transaction suivante : Jusqu’au jour où la Commune aurait statué, il s’engageait à rester à la direction des Postes ; il acceptait le contrôle de deux délégués du Comité. Il faut remarquer que la Poste était occupée par des gardes nationaux bourgeois et que nous n’avions aucune force à notre disposition. Je transmis cette proposition à Vaillant et à Antoine Arnaud (qui m’avaient remis ma nomination) pour qu’ils en fissent part au Comité. J’attendis en vain une réponse.

« La Commune se réunit. Le second jour peut-être, je soulevai la question de la Poste. Elle devait venir à l’ordre du jour, mais toujours de cette façon confuse que l’on retrouve dans l’ordre de ces débats, lorsque, le 30 mars, un ouvrier vint prévenir Pindy que l’administration des Postes désertait l’hôtel de la rue Jean-Jacques-Rousseau. La Commune vota immédiatement ma nomination avec ordre de faire occuper l’hôtel. Chardon partit à la tête d’un bataillon, bientôt suivi de Vermorel et de moi. Il était sept ou huit heures du soir. Le travail était terminé et il ne restait qu’un nombre restreint d’employés. Quelques-uns nous firent un accueil sympathique ; d’autres parurent indifférents. Chardon laissa un poste et je passai seul la nuit dans l’hôtel.

« À trois heures du matin, je parcourus les salles et les cours où arrivaient les employés pour le premier départ. Une affiche manuscrite apposée dans toutes les salles et dans toutes les cours ordonnait aux employés d’abandonner leur service et de se rendre à Versailles sous peine de révocation. J’arrachai les affiches et j’exhortai les employés à rester fidèles à leur poste. Il y eut d’abord indécision ; puis quelques-uns se décidèrent à se grouper autour de moi.

« À huit heures, d’autres employés arrivent ; à neuf heures d’autres encore. Ils forment des groupes dans la grande cour, causent, discutent ; quelques-uns battent en retraite. Cet exemple peut être suivi par le plus