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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

démontré par pièces authentiques… je n’ai parlé qu’avec restriction toutes les fois que le document positif et précis m’a fait défaut. » Il n’en produisait pas un. S’ils existent, on imagine comment il a dû les accommoder, par sa façon de travestir les faits les plus connus.

Arrangées à la Montépin[1] enjolivées d’arabesques, agrémentées de : « ils ont dû dire ceci, cela ». de dialogues de ce genre : « tous ces révoltés étaient devenus des voleurs ; quand l’homme rentrait au logis, la femme lui disait invariablement : qu’est-ce que tu rapportes ? » les malpropres imaginations de cet enragé pipelet versaillais faisaient les délices de la Revue des deux Mondes et des journaux figaristes. L’Académie française voulut posséder ce rare historien et, en 85, il eût parlé pour elle à l’enterrement de Victor Hugo si les proscrits alors de retour n’avaient menacé d’une intervention énergique. Maxime Du Camp alla mourir en Allemagne, sa patrie de cœur, mais il continua de régner à l’Académie. En juin 95, son successeur, Paul Bourget, breveté pour les dissections d’âmes, affirma qu’il avait dressé « avec une force terrible » le réquisitoire du « sauvage vandalisme » et l’interlocuteur de Paul Bourget, un élégant snob, qualifia la Commune « d’accès de fièvre obsidionale et alcoolique. » Un autre palme-vert, versificateur pour nounous, déclara Maxime Du Camp « injurié mais irréfutable ».

Les vrais républicains se soulevaient contre ces Convulsions, oubliant que leurs chefs avaient, eux aussi, traité la Commune d’accès de fièvre, de convulsion de la famine et du désespoir : d’ailleurs nul écrivain n’était outillé pour la riposte. Les histoires que les radicaux se mirent à rédiger trahissaient la pauvreté de connaissance des hommes, des milieux et même des événements de la Commune. Pour eux le bonapartisme jouait un grand rôle à l’origine et à la fin. Tel prenait la moyenne entre une page de Maxime Du Camp

  1. Exemple : « Le 23 mai, après un doux sommeil comme en donne le calme d’une conscience satisfaite, Boudin se réveilla de belle humeur et s’aperçut qu’il avait soif. Il se mit alors en devoir de défoncer la porte de la cave… »