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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

La Nouvelle-Calédonie tenait encore onze cents condamnés et l’exil cinq à six cents contumaces ; le reste avait été gracié après une moyenne de sept ans de déportation ou d’exil. On en eut sans le maréchal gracié bien davantage, dit impudemment la commission des grâces — quand Mac-Mahon fut parti. Le nouveau ministère allait changer tout ça. Grâces, amnistie, Waddington amalgamait tout dans la grâce-amnistie. C’était bien simple, on déclarerait amnistiés tous ceux qui seraient graciés. Mais qui gracierez-vous ? disait-on. Et lui : « Nous ne laisserons en dehors de l’amnistie que ceux contre lesquels protesterait la conscience publique. » Ce Waddington — un Anglais — avait la plaisanterie très froide ; elle plut beaucoup aux opportunistes qui se souciaient fort peu du retour de tel ou tel condamné.

L’extrême-gauche ne pouvait moins faire que de réclamer l’entière amnistie. L’agitation pour l’amnistie n’avait jamais cessé dans le peuple. Un journal de Paris, La Révolution française, publiait, malgré les amendes et la prison, des articles de membres de la Commune en exil. Une proposition d’amnistie fut déposée. Neuf bureaux sur onze la repoussèrent. Louis Blanc la défendit aussi chaleureusement qu’il avait défendu les droits des fusilleurs. Le rapporteur était Andrieux, l’ancien anarchiste de l’Empire, l’ancien procureur de la Guillotière en 71, devenu député. « Jamais, dit-il, il ne se trouvera une Assemblée française pour voter l’amnistie pleine et entière. Quant aux condamnés qui resteront en Nouvelle-Calédonie, le nombre en sera restreint à quinze cents, une partie de cette écume des grandes villes qui est toujours prête au pillage. » Le garde des sceaux avait dit douze cents ; Andrieux grossissait, guignant la préfecture de police qu’il reçut après la morsure. Le Marcou de 76 excluait de l’amnistie « les sauvages qui auraient déshonoré le drapeau tricolore s’il pouvait l’être. » Il ne nommait pas ces sauvages qui, du reste, n’avaient pas combattu sous le drapeau tricolore, mais cela permit à Waddington de dire : il y en a douze cents. L’amnistie plénière fut repoussée par 350 voix contre 99, et seuls furent amnistiés les graciés dans le délai