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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

d’eux se pendit. L’hôpital d’aliénés de l’île des Pins continua de regorger.

Rarement, par bouffées, les lamentations de ces ensevelis arrivaient à leurs frères les exilés qui avaient pu traverser les mailles versaillaises. L’exode fut énorme, au début, de tous ceux qui craignaient des poursuites ou des dénonciations, et beaucoup restèrent à l’étranger pendant des mois. Pour 3 500 environ, les conseils de guerre firent le départ définitif. La Suisse et l’Angleterre reçurent le plus grand nombre, la Belgique n’étant pas sûre. L’accueil en Angleterre fut assez ouvert ; on savait les massacres versaillais et les Anglais comprirent quels éléments précieux cette proscription apportait. Les ouvriers trouvèrent vite de l’emploi, beaucoup étant de l’élite ; ciseleurs : Barré, Landrin, Theisz, Mainfroid… ; peintres sur porcelaine et éventaillistes : Léonce, Mallet, Villers, Ranvier… ; graveurs sur métaux, sur camées : Leblond, Desoize, Kleinmann… ; sculpteurs, sur bois, sur ivoire : Duclos, Pierlet, Picavet… ; mécaniciens : Langevin, Joffrin, Ferran… ; tapissiers d’ameublement : Lhéman, Privé qui décorèrent le splendide hôtel de Richard Wallace ; peintres sur vitraux : Lhuillier, Dumousset… ; ébénistes de luxe : Guillaume, Maujean, Macdonal… ; dessinateurs industriels et sur étoffes : Le Moussu, Andrès, Pottier, Philippe… ; feuillagistes : Johannard, Hanser ; tailleurs, cuisiniers, épiciers, cordonniers, etc. Beaucoup de ces ouvriers apportaient le secret de la fabrication et de certains commerces de Paris. Les femmes, couturières, fleuristes, modistes, lingères, imprégnées du goût parisien furent aussitôt accaparées dans les ateliers, et créèrent des modèles ; plusieurs s’établirent. Plus difficiles furent les débuts pour les proscrits sans métier manuel, employés, professeurs, médecins, hommes de lettres ; mais les leçons arrivèrent, les journaux ayant fait observer que l’occasion était excellente d’apprendre à bon marché la langue française.

Quelques proscrits de l’Empire restés à Londres aidèrent ceux de la Commune ; ceux-ci, du reste, se procuraient mutuellement du travail. Peu à peu chacun prit