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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

pain, 1 centilitre d’huile et 60 grammes de légumes secs. Les déportés protestant, il expérimenta sur cinquante-sept dont quatre femmes.

Elles étaient soumises aux mêmes rigueurs que les hommes, ayant revendiqué le droit commun. Louise Michel, Lemesle et les condamnées à la déportation fortifiée déclarèrent qu’elles se tueraient si on voulait les séparer des autres déportés. Insultées par les gendarmes, injuriées dans les ordres du jour du commandant de la presqu’île Ducos, non fournies des vêtements de leur sexe, elles furent parfois obligées de s’habiller en hommes. Plusieurs étaient jeunes et agréables. « Jamais, a dit un de leurs compagnons, Henri Bauer, ces femmes captives avec huit cents hommes ne furent cause de scandale, ni de rixe, ni de dispute ; elles se gardèrent du désordre et de la vénalité. » Pareilles furent les déportées de l’île des Pins.

L’arrivée, en 75, du nouveau gouverneur, de Pritzbuer, termina la brillante carrière d’Alleyron. Ce renégat du protestantisme envoyé en Calédonie par les influences jésuitiques du Sacré-Cœur trouva le moyen, avec des allures doucereuses, d’aggraver la misère des communeux. Il fut assisté par Monseigneur d’Anastasiopolis, évêque de Nouméa, et ce Charrière qui déclarait les criminels du bagne de beaucoup plus honorables que les condamnés de la Commune. Pritzbuer maintint l’arrêté d’Alleyron, en plus il édicta la suppression de la ration complète pour ceux qui, dans une année, n’auraient pas su se créer de ressources suffisantes et, au bout d’un certain temps, leur abandon complet par l’administration. Un bureau fut créé pour mettre les déportés en rapport avec les commerçants de Nouméa, mais le bureaucrate ne pouvait accroître le commerce ou l’industrie d’un pays où le fond manque et, malgré tous les prix et médailles par eux remportés aux Expositions, les communeux ne trouvèrent guère d’acheteurs ; les moins habiles restèrent sous le coup de l’arrêté de 74. En réalité, à partir de cette époque, les simples déportés vécurent sous le régime de la faim, avec la faculté de se mouvoir.

Malgré tant d’efforts pour les réduire, l’honneur des déportés resta au-dessus. Les conseils de guerre avaient