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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

titude universelle de l’ouvrier parisien, les déportés voulurent se refaire une vie. Le rapporteur de la loi sur la déportation avait exalté les mille ressources de la Nouvelle-Calédonie : la pêche, l’élevage du bétail, l’exploitation des mines, et représenté cette émigration forcée comme l’origine d’un nouvel empire français du Pacifique. Les déportés tentèrent d’arracher une apparence de patrie à cette terre si vantée. Ils invoquèrent le travail, quel qu’il fût. Les « blindés » de la presqu’île, enfermés dans un territoire mort, menuisiers, forgerons, tourneurs, tailleurs, expédièrent à Nouméa leurs produits. Ceux de l’île des Pins s’offrirent à la construction d’un aqueduc, des magasins administratifs, de la grande route : huit cents seulement sur deux mille furent acceptés, et leur salaire ne dépassa guère quatre-vingt-cinq centimes par jour. Les moins favorisés demandèrent des concessions ; on leur accorda quelques bouts de terrain — cinq cents hectares pour neuf cents — et, à des prix très élevés, on leur vendit des graines et des outils. Quelques-uns firent à grand’peine rendre au sol de pauvres légumes ; les autres se retournèrent vers les entrepreneurs et les commerçants de Nouméa. Mais la colonie, étouffée par le régime militaire, tracassée par le personnel bureaucratique, de ressources très limitées, ne fournit de travail qu’à moins de quatre cents : encore beaucoup de ceux-là abandonnés par leurs embaucheurs durent revenir à l’île des Pins traîner dans la brousse. « On s’est trompé sur les ressources qu’offre l’île des Pins », dit philosophiquement le ministre de la Marine. « Je vous en ai prévenu il y a trois ans », répondit Georges Périn.

C’était l’âge d’or de la déportation. Au milieu de 73, une dépêche du ministre de la Marine tombe à Nouméa. Le Gouvernement versaillais suspend tous les crédits administratifs qui alimentent les chantiers de l’État : « Si l’on admettait, dit-il, le droit au travail pour les déportés, on ne tarderait pas à voir se renouveler le scandaleux exemple des ateliers nationaux de 1848. » Rien de plus logique. Versailles ne devait aucun travail à ceux qu’il avait dépouillés de la faculté de travailler. Les chantiers se fermèrent. Les bois de