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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

de les lier au poteau. Trois fois Baudouin brisa les cordes ; Rouilhac lutta en désespéré. Le prêtre qui appuyait les soldats reçut des coups dans la poitrine. On finit par les terrasser, « Nous mourons pour la bonne cause ! » crièrent-ils. Après le défilé, un officier psychologue, remuant du bout de sa botte les cervelles qui coulaient, disait à un collègue : « . C’est avec cela qu’ils pensaient. »

En juin 72, toutes les causes célèbres étant épuisées, le parquet militaire vengea la mort d’un officier de fédérés, le capitaine de Beaufort. Il n’y a qu’une explication à ce fait étrange c’est que de Beaufort appartenait aux Versaillais, chose vraisemblable [1]. Trois accusés sur quatre étaient présents : Deschamps, Denivelle et Lachaise, la célèbre cantinière du 66e. Elle avait suivi de Beaufort devant le conseil tenu au boulevard Voltaire et, ses explications entendues, s’était efforcée de le protéger. L’accusation n’en faisait pas moins l’instigatrice de sa mort. Sur la déposition écrite d’un témoin qu’on ne put retrouver et qui ne fut jamais confronté avec elle, le rapporteur accusa Lachaise d’avoir profané le cadavre de de Beaufort. À cette ignoble parole la vaillante femme fondit en larmes. Elle fut condamnée à mort ainsi que Denivelle et Deschamps.

L’imagination malpropre de certains soldats de mœurs changarniennes s’ingéniait à salir les accusés. Le colonel Dulac, jugeant un ami intime de Rigault, prétendit que leurs relations avaient eu un caractère infâme. L’accusé eut beau offrir tous les démentis, le misérable officier persista.

La presse bourgeoise, sans trêve, sans lassitude, accompagnait tous les procès du même chœur d’imprécations et des mêmes souillures. Quelques voix ayant protesté contre des exécutions si longtemps après la bataille, un de ces Sarceys écrivit : « Le couteau devrait être rivé dans la main du bourreau. »

La haute et basse pègre littéraire avaient trouvé dans la Commune un filon fort lucratif et l’entretenait sa-

  1. Appendice XLVII.