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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

Les corps de Rossel et de Ferré furent réclamés par leur famille ; celui de Bourgeois disparut dans la fosse commune du cimetière Saint-Louis. La presse libérale réserva ses larmes pour Rossel. De courageux journaux en province honorèrent toutes les victimes et dénoncèrent à l’exécration de la France la commission des grâces, « la commission des assassins », dit à l’Assemblée un député. Traduits devant le jury, ces journaux furent acquittés.

Deux jours après l’exécution de Satory, la commission des grâces fît tuer Gaston Crémieux. Il était condamné depuis six mois et cette longue attente, sa modération pendant le mouvement, semblaient rendre le meurtre impossible ; la commission rurale voulait venger la fameuse apostrophe de Bordeaux. Le 30 Novembre, à sept heures du matin, Gaston Crémieux fut conduit au Pharo de Marseille, vaste plaine qui borde la mer. Il dit à ses gardiens : « Je montrerai comment un républicain sait mourir. » On l’adossa au même poteau où, un mois auparavant, avait été fusillé le soldat Paquis passé à l’insurrection. Il voulut avoir les yeux libres et commander le feu. On y consentit. S’adressant aux soldats : « Visez à la poitrine, ne frappez pas à la tête. Feu ! Vive la Repu… » Le dernier mot fut coupé par la mort. Comme à Satory, il y eut musique et défilé. La mort de ce jeune enthousiaste produisit une vive impression sur la ville. Des registres placés à la porte de sa maison se remplirent en quelques heures de milliers de signatures.

Le même jour, le 6e conseil vengeait la mort de Chaudey. Elle avait été ordonnée et surveillée par Raoul Rigault seul. Les hommes du peloton étaient à l’étranger. Préau de Vedel, l’accusé principal, détenu à Sainte-Pélagie pour délit de droit commun, n’avait fait que tenir la lanterne. La jurisprudence des officiers attribuant aux simples agents la même responsabilité qu’aux chefs. Préau de Vedel fut condamné à mort.

Le 4 Décembre, dans la salle du 3e conseil, une sorte de fantôme apparut à la figure blême et sympathique, Lisbonne, qui traînait depuis six mois ses blessures du Château-d’Eau. Le même devant le conseil