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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

ordinaires ; ils ont été pris, les uns en flagrant délit et les autres ont si bien signé leur culpabilité par actes authentiques et solennels, qu’il suffit d’établir leur identité pour s’écrier avec la voix pleine et sonore de la conviction : Oui, oui ! ils sont coupables ! » C’était là un des calmes. Les correspondants étrangers furent révoltés. « Il est impossible d’imaginer rien de plus scandaleux que le ton de la presse du demi-monde pendant ce procès », disait le Standard, journal conservateur des plus injurieux pour la Commune. Des accusés ayant réclamé la protection du président, Merlin prit la défense des journaux.

Vint le réquisitoire. Gaveau, pour rester fidèle à sa consigne, soutint que Paris avait combattu six semaines afin de permettre à quelques individus de voler des résidus de caisse, de brûler des maisons et de fusiller quelques gendarmes. Le robin à épaulettes démolissait comme militaire les arguments qu’il échafaudait comme procureur. « La Commune, disait-il, avait fait acte de Gouvernement », et cinq minutes après, il refusait aux membres de la Commune le caractère d’hommes politiques. Passant aux divers accusés, il disait de Ferré : « Je perdrais mon temps et le vôtre en discutant les nombreuses charges qui pèsent sur lui » ; de Jourde, dont il n’avait pas compris un mot : « Les chiffres qu’il vous apporte sont tout à fait imaginaires ; je n’abuserai pas de vos moments pour les discuter. » Pendant la bataille des rues, Jourde avait reçu l’ordre du Comité de salut public de remettre mille francs à chacun des membres de la Commune pour parer à bien des nécessités. Une trentaine seulement, actifs dans la lutte, avaient touché cette somme. Gaveau dit : « Ils se sont partagé des millions. » Il devait le croire. Quel souverain a quitté le pouvoir sans emporter des millions ? Il accusait Paschal Grousset d’avoir volé du papier pour imprimer son journal ; un autre, d’avoir vécu avec une maîtresse. Grossier soudard, incapable de comprendre que plus il rapetissait les hommes, plus il grandissait cette révolution si vivace malgré les défaillances et les incapacités.

L’assistance scandait ce réquisitoire d’applaudissements frénétiques. À la fin, il y eut des rappels comme