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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

Les prêtres ne manquèrent pas plus aux prisons qu’aux mitraillades. L’aumônier de Richemont disait aux prisonnières : « Je sais bien que je suis ici dans une forêt de Bondy, mais mon devoir, etc. » Le jour de la Sainte-Madeleine, l’évêque d’Alger, faisant une délicate allusion à la sainte, leur dit « qu’elles étaient toutes des Madeleines, mais non repenties, que Madeleine n’avait ni pétrolé ni assassiné », et autres aménités évangéliques. À Toulon, un aumônier mettait le poing sous le nez des Communeux.

Les enfants furent enfermés dans un quartier de la prison des femmes, et aussi brutalement traités. Le secrétaire de Mercereau ouvrit d’un coup de pied le ventre d’un petit. Le fils de Ranvier, âgé de douze ans, fut cruellement battu pour avoir refusé de livrer la retraite de son père.

Cette férocité continue eut raison des constitutions les plus robustes. Il y eut de suite deux mille malades dans les hôpitaux et les pontons. Les rapports officiels avouèrent 1 179 morts sur 33 665 prisonniers civils. Ce chiffre est manifestement au-dessous de la vérité. Dans les premiers jours, à Versailles, un certain nombre d’individus furent tués et d’autres moururent sans qu’on les comptât. Il n’y eut pas de statistique avant les pontons. Il n’est point exagéré de dire que deux mille prisonniers laissèrent la vie entre les mains des Versaillais. Un plus grand nombre périrent par la suite d’anémie ou de maladies prises dans leur captivité.

Ces malheureux pontonniers, prisonniers des forts et des maisons de détention, macérèrent plusieurs mois dans la vermine avant d’obtenir un simple triage. Le Moloch versaillais tenait plus de victimes qu’il n’en pouvait digérer. En juin, il en dégorgea 1 090, réclamées par les réactionnaires. Mais comment instruire le procès de 36 000 prisonniers ? Car M. Thiers avait imaginé de remplacer la transportation en masse qui avait tant fait crier en 48 par des procès en forme ; seulement il donnait aux fédérés pour juges les mêmes soldats qui les avaient vaincus. En 1832, le barreau avait protesté contre la prétention du Gouvernement de faire juger les insurgés par des militaires ; cela parut tout naturel