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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

pour les flétrir, s’incliner devant leurs juges et déclarer l’indignation publique légitime. En Juin 48 la sombre imprécation de Lamennais s’abattit sur les massacreurs et Pierre Leroux défendit les vaincus ; les grands penseurs de l’Assemblée rurale ne firent qu’un contre les Fédérés ; cette Gauche qui, cinq années plus tard, devait s’enflammer pour l’amnistie, refusa d’entendre le râle des vingt mille fusillés et à cent mètres d’elle les hurlements de l’Orangerie.

C’était bien en 71 le même Caligula aux huit cents têtes stigmatisé par Herzen en 48. « Ils se sont dressés de toute leur grandeur pour donner au monde entier le spectacle inouï de huit cents hommes agissant comme un seul monstre de cruauté. Le sang coulait à flots et, eux, ils ne trouvèrent pas une parole d’amour ou de conciliation. Et la minorité austère se tut ; la Montagne se cacha derrière les nuages, contente de ne pas avoir été fusillée ou mise à pourrir dans les caves ; elle regardait en silence comment on désarmait les citoyens, comment on décrétait la déportation, comment on emprisonnait pour tout et pour rien, quelques-uns même parce qu’ils n’avaient pas voulu tirer sur leurs frères. »

Même Gambetta, le « fou furieux » dénoncé par M. Thiers, se laissa aller à dire qu’un Gouvernement capable de vaincre une insurrection pareille avait par là démontré sa légitimité et il commit ce mot funeste : « Les temps héroïques sont passés », qui était sans qu’il le vît la glorification de la Commune.

Il n’y eut de courageux qu’en province et à l’étranger. Les Droits de l’Homme de Jules Guesde à Montpellier, L’Émancipation de Toulouse, le National du Loiret et plusieurs autres journaux dénoncèrent les massacreurs. La plupart furent supprimés. Quelques agitations se produisirent : un commencement d’émeute à Pamiers, à Voiron. À Lyon, l’armée fut consignée et le préfet Valentin fit fermer la ville pour arrêter les évadés de Paris. Il y eut des arrestations à Bordeaux.

À Bruxelles, Victor Hugo protesta, dans une lettre fort mal documentée du reste, contre la déclaration du gouvernement belge qui acceptait de rendre les fugitifs.