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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

sous les obus toujours salués d’un : « Vive la Commune ! »

Dans la grande rue de Belleville, des gardes nationaux portent des bières sur leurs fusils croisés. Quelques hommes précèdent avec des torches. Le tambour bat. Ces combattants qui enterrent leurs camarades, silencieux, apparaissent d’une grandeur touchante, étant eux-mêmes aux portes de la mort.

Pendant la nuit, les barricades de la rue d’Allemagne sont abandonnées. Mille hommes au plus ont combattu deux jours les vingt-cinq mille soldats de Ladmirault. Presque tous étaient des sédentaires.

Les lueurs du samedi matin découvrent un paysage livide. Le brouillard est pénétrant, visqueux ; la terre détrempée. Des bouquets de fumée blanche s’élèvent péniblement au-dessus de la pluie ; c’est la fusillade.

Dès l’aube, les barricades de la route stratégique, les portes de Montreuil et de Bagnolet sont occupées par les troupes qui, sans résistance, se répandent dans Charonne. Vers sept heures, elles s’établissent à la place du Trône dont les défenses ont été abandonnées. À l’entrée du boulevard Voltaire, les Versaillais mettent six pièces en batterie contre la barricade de la mairie du XIe où il y a deux pièces qui, de loin en loin, répondent. Certains du succès, les officiers veulent triompher avec fracas. Plus d’un obus s’égare dans la statue de Voltaire dont le rire sardonique semble rappeler à ses petits-neveux le beau tapage qu’il leur a promis[1].

À la Villette, les soldats font de tous côtés des pointes, longent les fortifications, attaquent les rues de Puebla et de Crimée. Leur gauche, encore engagée dans le haut du Xe, essaie d’enlever les rues de cet arrondissement qui aboutissent au boulevard de la Villette. Leurs batteries de la rue de Flandre, des remparts, de la Rotonde, joignent leurs feux à celui de Montmartre et accablent d’obus les buttes Chaumont.

La barricade de la rue Puebla cède vers dix heures.

  1. Aujourd’hui square Monge.