Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
375
HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

Vers six heures, un groupe de gendarmes, ecclésiastiques, civils, arrive rue Haxo, encadrée dans un détachement que le colonel Gois commande. Ils viennent de la Roquette et se sont arrêtés un moment à la mairie où Ranvier a refusé de les recevoir. On croit à des prisonniers récemment faits et ils défilent d’abord dans le silence. Bientôt le bruit se répand que ce sont des otages et qu’ils vont mourir. Ils sont trente-quatre gendarmes pris le 18 mars à Belleville et à Montmartre, dix jésuites, religieux, prêtres, quatre mouchards de l’Empire : Ruault, du complot de l’Opéra-Comique ; Largillière, condamné en Juin et au procès de la Renaissance ; Greffe, organisateur des enterrements civils, devenu l’auxiliaire du chef de la Sûreté, Lagrange ; Dareste, son chef de brigade. Leurs dossiers ont été trouvés et publiés pendant le siège.

La foule grossit, apostrophe les otages et l’un d’eux est frappé. Le cortège pénètre dans la cité Vincennes dont les grilles se referment, et pousse les otages vers une sorte de tranchée creusée devant un mur. Un membre de la Commune, Serrailler, accourt : — « Que faites-vous ! il y a là une poudrière, vous allez nous faire sauter ! » Il espérait ainsi retarder l’exécution. Varlin, Louis Piat, d’autres avec eux luttent, s’époumonent, pour gagner du temps. On les repousse, on les menace, et la notoriété de Varlin suffit à peine à les sauver de la mort.

Les chassepots partent sans commandement ; les otages tombent. Un individu crie : Vive l’Empereur ! Il est fusillé avec les autres. Au dehors, on applaudit. Et cependant, depuis deux jours, les soldats faits prisonniers depuis l’entrée des troupes traversaient Belleville sans soulever un murmure. Mais ces gendarmes, ces policiers, ces prêtres qui, vingt années durant, avaient piétiné Paris, représentaient l’Empire, la haute bourgeoisie, les massacreurs, sous leurs formes les plus haïes.

Le matin, on avait fusillé l’associé de Morny, Jecker. La Commune n’avait pas su le juger, la justice « immanente » le saisit. Genton, François, Bo… et Cl…, commissaire de police, vinrent le prendre à la prison de la Roquette. Il se résigna très vite, en aventurier qu’il