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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

pêle-mêle confus d’officiers sans ordres, on ne connaît la marche de l’ennemi que par l’arrivée des débris de bataillons. Telle est la confusion que, dans ce lieu mortel aux traîtres, arrive, en uniforme Du Bisson, chassé de la Villette. Les rares membres de la Commune que l’on rencontre errent au hasard, dans le XXe, absolument ignorés ; mais ils n’ont pas renoncé à délibérer. Le vendredi, ils sont une douzaine rue Haxo, le Comité Central arrive et revendique la dictature. On la lui donne en lui adjoignant Varlin. Du Comité de salut public, personne ne parle plus.

Le seul de ses membres qui fasse figure est Ranvier, d’une énergie superbe dans les batailles. Il fut, pendant cette agonie, l’âme de la Villette et de Belleville, poussant les hommes, veillant à tout. Le 26, il fait imprimer une proclamation : « Citoyens du XXe si nous succombons, vous savez quel sort nous est réservé… Aux armes !… De la vigilance, surtout la nuit… Je vous demande d’exécuter fidèlement les ordres… Prêtez votre concours au XIXe arrondissement ; aidez-le à repousser l’ennemi. Là est votre sécurité… N’attendez pas que Belleville soit lui-même attaqué… et Belleville aura encore une fois triomphé… En avant donc… Vive la République ! » C’est la dernière affiche de la Commune.

Mais combien lisent ou entendent. Les obus de Montmartre qui, depuis la veille, écrasent Belleville et Ménilmontant, les cris, la vue des blessés se traînant de maison en maison cherchant des secours, les signes trop évidents d’une fin prochaine, précipitent les phénomènes ordinaires de la déroute. Les regards deviennent farouches. Tout individu sans uniforme peut être fusillé s’il ne se recommande d’un nom bien connu. Les nouvelles qui parviennent de Paris grossissent les colères. On dit que le massacre des prisonniers est la règle des Versaillais ; qu’ils égorgent dans les ambulances ; que des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards sont emmenés à Versailles, tête nue, et souvent tués en route ; qu’il suffit d’appartenir à un combattant ou de lui donner asile pour partager son sort ; on raconte les exécutions des prétendues pétroleuses.