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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

pris et cerné il n’y avait qu’à chercher retraite. Les soldats, voyant un officier fédéré frapper à la porte d’une maison de la rue Gay-Lussac, firent feu sur lui sans l’atteindre. La porte s’ouvrit, Rigault entra. Les soldats conduits par un sergent, se précipitèrent dans la maison, saisirent le propriétaire qui prouva son identité et courut après Rigault. Il descendit, alla au-devant des soldats, dit : « Que me voulez-vous ? Vive la Commune ! » Le sergent le fit coller au mur et fusiller. Le corps fut recouvert d’un manteau. Survint le sous-lieutenant Ney qui reconnut Rigault, son camarade de collège, et reprocha au sergent d’avoir fusillé sans un ordre.

À la mairie du XIe, la chute du Panthéon si vigoureusement disputé en Juin 48 fut appelée trahison. Qu’avaient donc fait la Guerre et le Comité de salut public pour la défense de ce poste capital ? Rien. Comme à l’Hôtel-de-Ville, on délibérait à la mairie Voltaire.

Le XIe commençait à devenir le refuge des débris des bataillons des autres arrondissements. Assis ou couchés à l’ombre des barricades, sous une chaleur suffocante, les hommes se racontaient les luttes et les terreurs qu’ils avaient vues ; aucun ordre ne venait. À deux heures cependant des membres de la Commune, du Comité Central, des officiers supérieurs et des chefs de service se réunirent dans la salle de la bibliothèque. Pour écouter Delescluze on fit un grand silence car le moindre chuchotement aurait couvert sa voix presque morte. Il dit que tout n’était pas perdu, qu’il fallait tenter un grand effort, qu’on tiendrait jusqu’au dernier souffle. Les applaudissements l’interrompirent. « Je propose, dit-il, que les membres de la Commune, ceints de leur écharpe, passent en revue, sur le boulevard Voltaire, tous les bataillons qu’on pourra rassembler. Nous nous dirigerons ensuite à leur tête sur les points à reconquérir. »

L’idée transporta l’assistance. Jamais, depuis la séance où il avait dit que certains élus du peuple sauraient mourir à leur poste, Delescluze n’avait remué aussi profondément les âmes. La fusillade, le canon du Père-Lachaise, le murmure confus des bataillons entraient par bouffées dans la salle. Voyez ce vieillard, debout