Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

concurrence de Raspail, les ouvriers présentent Briosne un des leurs, afin d’affirmer « le droit des minorités, la souveraineté du travail. » Guéroult sera combattu par l’avocat Jules Ferry, auteur d’un joli calembour sur le préfet Haussmann. Jules Simon, Pelletan auront des adversaires. Émile Ollivier, qui a fait la concentration des haines, veut se mesurer en réunion publique au Châtelet avec Bancel, tout jeune député en 52 et que l’exil a rendu, jeune encore. On crie au renégat : Vive la Liberté ! La police dégaine, poursuit les républicains qui montent à la Bastille, chantant la Marseillaise.

Le 24 mai, Gambetta, Bancel, Pelletan, Picard, Jules Simon furent élus. Au second tour, MM. Thiers, Garnier-Pagès et Jules Favre. À ce dernier nom on cria : Vive la Lanterne ! et des manifestations commencèrent sur le boulevard, gagnèrent Belleville et le Faubourg Saint-Antoine. La police les grossit de bandes de souteneurs affublés de blouses blanches qui renversaient les kiosques, cassaient les vitres des devantures et permirent des arrestations en masse. Les rédacteurs du Rappel, du Réveil, les orateurs des réunions publiques furent appréhendés. Les prisons et les forts de Bicêtre reçurent quinze cents prisonniers ; un familier des Tuileries, Jules Amigues, écrivit : « Il faut décapitaliser Paris. »

La matière électorale de province avait donné, sous la vis administrative, une grosse majorité à l’Empire, réconcilié depuis Mentana avec les évêques. Cependant des orléanistes s’étaient faufilés ; l’opposition de gauche était d’une quarantaine. Sur 280 députés, Napoléon III était maître des deux tiers, assez pour rabrouer les rares clairvoyants qui parlaient de réformes et écrire qu’il ne céderait pas « en présence des mouvements populaires. » La fusillade de la Ricamarie ponctua cette missive. Le 17 juin, la troupe tira sur des mineurs en grève, tua onze hommes, deux femmes, fit de nombreux blessés dont une fillette à laquelle Palikao empêcha de porter secours. C’était, en France, la première merveille du chassepot. Un sénateur, général de la gendarmerie, proposa une sorte de fusillade en bloc, l’entente avec tous les gouvernements pour supprimer toutes les associations et ligues d’ouvriers.

Ce pandour n’était qu’à demi sot ; les sociétés ouvrières