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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

les voyant pas revenir se désespèrent, les chefs des barricades s’efforcent de les retenir.

À neuf heures du soir, Brunel a reçu l’ordre d’évacuer la rue Royale. Il persiste à tenir. À minuit, le Comité de salut public lui réitère l’ordre de se replier. Forcé d’abandonner le poste qu’il a si bien défendu pendant deux jours, Brunel évacue d’abord ses blessés puis ses canons par la rue Saint-Florentin. Les fédérés suivent ; à la hauteur de la rue Castiglione, ils sont assaillis par des coups de feu.

Les Versaillais maîtres de la rue de la Paix et de la rue Neuve-des-Capucines, avaient envahi la place Vendôme entièrement déserte, et, par l’hôtel du Rhin, tourné la barricade de la rue Castiglione. Les fédérés de Brunel abandonnent la rue de Rivoli, forcent les grilles du jardin des Tuileries, suivent les quais et regagnent l’Hôtel-de-Ville. L’ennemi n’osa pas les poursuivre et il n’occupa qu’au petit jour le Ministère de la Marine depuis longtemps abandonné.

Le reste de la nuit, le canon se tait. L’Hôtel-de-Ville a perdu son animation. Les fédérés dorment sur la place ; dans les bureaux, les membres des comités et les officiers prennent quelques instants de repos. À trois heures, un officier d’état-major arrive de Notre-Dame occupée par un détachement de fédérés qui ont fait un brasier des chaises et des bancs. Il vient dire au Comité de salut public que l’Hôtel-Dieu contient huit cents malades qu’un incendie atteindrait sûrement ; le Comité donne l’ordre d’évacuer la cathédrale afin de préserver les malheureux ; pendant les jours qui suivirent, aucun obus fédéré ne l’atteignit.

Le soleil vient éteindre la clarté des incendies. Le jour radieux se lève sans rayon d’espoir pour la Commune. Paris n’a plus d’aile droite. Son centre est rompu. L’offensive est impossible. Il ne lutte plus, il se débat.

De bonne heure, les Versaillais poussent sur tous les points, le Louvre, le Palais-Royal, la Banque, le Comptoir d’escompte, le square Montholon, le boulevard Ornano et la ligne du chemin de fer du nord. À quatre heures, ils canonnent le Palais-Royal que les fédérés entourent de fusillade. Vers sept heures ils sont à la