Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/341

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

pris des semaines, fut terminé en quelques heures, exemple de ce qu’aurait pu, pour détendre Paris, un effort intelligent produit en temps utile. Dans le IXe, les rues Auber, de la Chaussée-d’Antin, de Châteaudun, les carrefours du faubourg Montmartre, de Notre-Dame-de-Lorette, de la Trinité, la rue des Martyrs, remuent vivement leurs pavés. On barricade les grandes voies d’accès ; la Chapelle, les Buttes-Chaumont, Belleville, Ménilmontant, la rue de la Roquette, la Bastille, les boulevards Voltaire et Richard-Lenoir, la place du Château-d’Eau, les grands boulevards, surtout à partir de la porte Saint-Denis ; sur la rive gauche, le boulevard Saint-Michel dans toute sa longueur, le Panthéon, la rue Saint-Jacques, les Gobelins, et les principales avenues du XIIIe. Beaucoup de ces défenses resteront ébauchées.

Quand Paris se raidit pour la dernière lutte, Versailles est fou de joie. L’Assemblée s’est réunie de bonne heure. M. Thiers n’a voulu laisser à aucun de ses ministres la gloire d’annoncer qu’on s’égorge dans Paris. Son apparition à la tribune est saluée de frénésies. « La cause de la justice, de l’ordre, de l’humanité, de la civilisation a triomphé ! glapit le petit homme. Les généraux qui ont conduit l’entrée à Paris sont de grands hommes de guerre… L’expiation sera complète. Elle aura lieu au nom des lois par les lois, avec les lois. » La Chambre comprend cette promesse de carnage et, d’un vote unanime, Droite, Gauche, Centre, cléricaux, républicains et monarchistes décrètent que l’armée versaillaise et le chef du pouvoir exécutif ont bien mérité de la patrie.

La séance est levée. Les députés courent à la Lanterne de Diogène, à Châtillon, au Mont-Valérien, à toutes les hauteurs d’où l’on peut, comme d’un Colysée immense, suivre sans danger l’égorgement de Paris. La population des oisifs les accompagne et, sur cette route de Versailles, députés, courtisanes, femmes du monde, journalistes, fonctionnaires, en rut de la même hystérie, donnent aux Prussiens et à la France le spectacle d’une saturnale byzantine.

Le matin M. Thiers avait télégraphié à Jules Favre : « Je rentre de Paris, où j’ai vu de bien terribles spec-