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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

la porte d’Auteuil n’a pas été forcée ; que si quelques Versaillais se sont présentés, ils ont été repoussés. J’ai envoyé chercher onze bataillons de renfort, par autant d’officiers d’état-major, qui ne doivent les quitter qu’après les avoir conduits au poste qu’ils doivent occuper. »

À la même heure, M. Thiers télégraphiait à ses préfets : « La porte de Saint-Cloud vient de s’abattre sous le feu de nos canons. Le général Douai s’y est précipité. » Double mensonge. La porte de Saint-Cloud était grande ouverte depuis trois jours, sans que les Versaillais eussent osé la franchir ; le général Douai s’y était glissé, homme par homme, introduit par une trahison.

À la nuit, le ministère paraît ouvrir les yeux. Les officiers arrivent demander des ordres. L’état-major refuse de laisser sonner le tocsin ou battre la générale, sous le prétexte qu’il ne faut pas alarmer la population. Des membres de la Commune, penchés sur un plan de Paris, étudient enfin ces points stratégiques qu’ils ont oubliés pendant six semaines ; le délégué s’enferme pour composer une proclamation.

Pendant qu’au milieu de Paris confiant, quelques hommes, sans soldats, sans informations, dressent la première résistance, les Versaillais continuent de s’infiltrer par la fissure des remparts. Vague sur vague, leur flot croît, silencieux, voilé par la nuit qui tombe. Peu à peu ils s’accumulent entre le chemin de fer de ceinture et les fortifications. À neuf heures, ils sont assez nombreux pour se diviser en deux colonnes, l’une, obliquant à gauche, couronne les bastions 66 et 67, l’autre file à droite sur la route de Versailles. La première se loge au cœur de Passy, occupe l’asile Sainte-Périne, l’église et la place d’Auteuil ; la seconde, ayant démoli la barricade rudimentaire construite sur le quai, à la hauteur de la rue Guillon, vers une heure du matin, par la rue Raynouard, escalade le Trocadéro sans travaux de ce côté et sans défenseurs.

À l’Hôtel-de-Ville, les membres du Comité de salut public sont enfin réunis. Seul, Billioray a disparu et ne doit plus reparaître. On ignore le nombre et la position des troupes, mais on sait que des masses s’agitent dans l’obscurité de Passy. Les officiers d’état-major envoyés