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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

victorieuse ? Ces ouvriers qui pourraient puiser dans des milliards vivent d’une paye ridicule en comparaison de leurs salaires habituels. Les riches hôtels de ceux qui les bombardent sont à leur merci : où sont les pillards ?

Reconnaissez-vous ce Paris sept fois mitraillé depuis 1789, plus éprouvé aujourd’hui que l’Alsace et que la Lorraine qu’il a défendues ; ce Paris d’incapitulables, toujours debout pour le salut de la France ? Où est son programme, avez-vous dit ? Eh ! cherchez-le devant vous, non dans cet Hôtel-de-Ville qui bégaie. Ces remparts fumants, ces explosions d’héroïsme, ces femmes, ces hommes de toutes les professions confondus, tous les ouvriers de la terre applaudissant à notre combat, toutes les bourgeoisies coalisées contre nous, ne disent-ils pas la pensée commune et qu’on lutte ici pour la République et l’avènement d’une société sociale. Repartez vite pour raconter ce Paris. Dites à la province républicaine : « Ces prolétaires parisiens combattent pour vous qui serez les persécutés de demain. S’il succombent vous serez, vous, pendant de longues années ensevelis sous leurs funérailles. »

À mille lieues, Versailles la constante menace. Ville aux destins immuables toujours haineuse de Paris. Avant-hier le roy, hier Guillaume, M. Thiers aujourd’hui. Et, depuis 1789 toujours la même sentence, celle de Breteuil : « S’il faut brûler Paris, on brûlera Paris ! » L’idée première d’incendier Paris revient à l’aristocratie française.

Les avenues royales sont dentées de canons. Accroupis dans la cour d’honneur les dogues de bronze gardent le palais, l’Assemblée, l’antre. Il faut pour traverser être galonné, député ou mouchard ; nul ne débarque à Versailles, nul n’y peut demeurer s’il n’est en carte.

L’état-major rural piaffe aux Réservoirs : purs-sang de la droite, chevau-légers, orléanistes, soutaniers. Là grouillent aussi les fonctionnaires déplumés de l’Empire, diplomates à la Gramont, préfets, chambellans, domestiques, fuyards du 4 Septembre, francs-fileurs du