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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

prenait le débat, avait quitté l’assemblée et gagné la questure. « Qu’a décidé la Commune ? » lui demanda Avrial. — « Rien encore : », répondit Ch. Gérardin, et avisant sur une table le revolver d’Avrial, il dit à Rossel : « Votre gardien remplit consciencieusement son devoir. » — « Je ne suppose pas, reprit vivement Rossel, que cette précaution me regarde. Du reste, citoyen Avrial, je vous donne ma parole d’honneur de soldat que je ne chercherai pas à m’évader. »

Avrial, très fatigué de sa longue faction, avait demandé qu’on le remplaçât. Il crut devoir profiter de la présence de Ch. Gérardin et, laissant le prisonnier sous sa garde, il se rendit à l’assemblée. Quand il revint, Rossel et son gardien avaient disparu. Le jeune ambitieux s’était esquivé, malgré sa parole, de cette Révolution où il s’était étourdiment fourvoyé.

On devine si Pyat cribla d’adjectifs le fuyard. Le nouveau Comité fît une proclamation désespérée ; on venait justement de lui révéler deux nouvelles conspirations : « La trahison s’était glissée dans nos rangs. L’abandon du fort d’Issy, annoncée dans une affiche impie par le misérable qui l’a livré, n’était que le premier acte du drame. Une insurrection monarchique à l’intérieur, coïncidant avec la livraison d’une de nos portes, devait le suivre… Tous les fils de la trame ténébreuse… sont à l’heure présente entre nos mains. La plupart des coupables sont arrêtés… Que tous les yeux soient ouverts, que tous les bras soient prêts à frapper les traîtres ! »

C’était du mélodrame quand il fallait tout son sang-froid. Et le Comité de salut public se vantait étrangement quand il prétendait avoir arrêté « la plupart des coupables » et tenir entre ses mains « tous les fils de la trame ténébreuse. »