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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

le président Pyat entr’ouvrait sa poche à fiel, quand Malon : « Taisez-vous ! Vous êtes le mauvais génie de cette Révolution. Ne continuez pas à répandre vos soupçons venimeux, à attiser la discorde. C’est votre influence qui perd la Commune ! » Et Arnold, un des fondateurs du Comité Central : « Ce sont encore ces gens de 48 qui perdront la Révolution ! »

Mais il était trop tard pour engager la lutte et la minorité allait expier son doctrinarisme et sa maladresse. La liste de la majorité passa tout entière : Ranvier, Arnaud, Gambon, Delescluze, Eudes.

L’assemblée se sépara à une heure du matin. « Les avons-nous assez roulés, et que dites-vous de la façon dont j’ai conduit l’affaire ? » disait à ses amis Félix Pyat. L’honnête président, tout occupé à « rouler » ses collègues, avait oublié la prise du fort d’Issy. Et ce même soir, vingt-six heures après l’évacuation, l’Hôtel-de-Ville faisait afficher à la porte des mairies : « Il est faux que le drapeau tricolore flotte sur le fort d’Issy. Les Versaillais ne l’occupent pas et ne l’occuperont pas. » Le démenti Pyat valait le démenti Trochu à propos de Bazaine.

Pendant les orages de l’Hôtel-de-Ville, le Comité Central faisait venir Rossel, lui reprochait l’affiche de l’après-midi et le nombre inusité d’exemplaires. Il se défendit aigrement : « C’était mon devoir. Plus grand est le danger, plus le peuple doit en être instruit. » Cependant, il n’avait rien fait de pareil pour la surprise du Moulin-Saquet. Après son départ, le Comité délibera. Quelqu’un dit : « Nous sommes perdus s’il n’y a pas de dictature. » Cette idée travaillait depuis quelques jours certains membres du Comité. On vota qu’il y aurait un dictateur, que ce dictateur serait Rossel et une députation de cinq membres alla le chercher. Il descendit, réfléchit et finit par dire : « Il est trop tard. Je ne suis plus délégué. J’ai envoyé ma démission. » Quelques-uns s’emportèrent ; il les releva et sortit. Les membres de la commission de la Guerre : Delescluze, Tridon, Avrial, Johannard, Varlin, Arnold, l’attendaient dans son cabinet.

Delescluze exposa leur mission. Rossel dit que le décret d’arrestation était injuste, que cependant il s’y