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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

quoi avez-vous renvoyé ce matins sept mille hommes », quand vous prétendez n’avoir pas « la moindre force militaire disponible ? » Pourquoi avez-vous ignoré, pendant quinze heures, l’évacuation d’un fort dont vous auriez dû surveiller la détresse d’heure en heure ? Où en est votre seconde enceinte ? Pourquoi n’avez-vous fait aucun travail à Montmartre, au Panthéon ? Rossel pouvait à la rigueur adresser ses reproches à la Commune ; il commit une faute impardonnable en envoyant sa lettre aux journaux. En moins de deux heures il rebutait des milliers de combattants, jetait la panique, flétrissait les braves d’Issy, dénonçait à l’ennemi les faiblesses de la défense.

Là-bas, tout le monde était en fête. M. Thiers et Mac-Mahon haranguaient les soldats qui ramenaient en chantant les quelques pièces trouvées au fort. L’Assemblée suspendait ses séances et venait dans la cour de marbre applaudir ces enfants du peuple qui se croyaient vainqueurs. M. Thiers, un mois plus tard, disait à la tribune : « Quand je vois ces fils de nos champs, étrangers souvent à cette instruction qui relève, mourir pour vous, pour nous, je suis touché profondément. » Touchante émotion du chasseur devant sa meute. Souvenez-vous de l’aveu, et pour qui, dans les guerres civiles, vous mourez, fils des champs.

Et on se dispute à l’Hôtel-de-Ville ! Raoul Rigault récrimine contre Vermorel qui veut voir clair dans le service de la sûreté. — Sur le refus de Gambon la majorité avait nommé Rigault procureur de la Commune.

La discussion s’aigrit quand Delescluze entre subitement, usurpe la parole. « Vous discutez quand on vient d’afficher que le drapeau tricolore flotte sur le fort d’Issy ! La trahison nous enveloppe de toutes parts. Il y a quatre-vingts pièces qui nous menacent de Montretout et vous discutez !… Ce sont ces débats déplorables de la semaine dernière auxquels je suis heureux de ne pas avoir assisté qui ont produit le désordre… Et c’est dans un pareil moment que vous perdez votre temps dans des questions d’amour-propre !… J’espérais que la France serait sauvée par Paris et l’Europe par la France… Eh bien, aujourd’hui la garde nationale ne veut plus se battre et vous délibérez sur des questions