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le Holstein. Les mandataires de la Diète démembrent le Danemark, jouent la Confédération, occupent en 66, l’Autriche le Holstein, la Prusse le Sleswig. Aux journaux français qui réclament, les journaux de Berlin répondent brutalement : « La France craint de voir l’Allemagne devenir la première puissance du monde. C’est la mission de la Prusse de faire l’unité allemande. » De cette mission, la Prusse ne se cache plus quand Bismarck vient à Biarritz demander à Napoléon III la neutralité de la France dans une guerre contre l’Autriche. Il l’obtient, dès 66 rend le conflit inévitable, en mars dénonce les armements de l’Autriche, en avril signe un traité d’alliance avec l’Italie, l’Empereur approuvant. À la veille des hostilités, le 11 juin, Napoléon III signifie au Corps législatif cette politique mortelle. Le Corps législatif la fait sienne par 239 voix contre 11. Le point mort est franchi, l’Empire va dégringoler l’autre pente.

Le 3 juillet 66 l’Autriche était écrasée à Sadowa. Victorieuse en Italie, sa défaite était la même. Elle céda la Vénétie et sortit de l’Allemagne pour faire place à la Prusse agrandie, enrichie, dictateur militaire, chef de la grande famille. Napoléon III essaya de parler de compensations territoriales ; Bismarck répondit par une Allemagne prête à se soulever tout entière, l’autre crut ; on lui dit que l’armée française n’était pas prête contre cette Prusse épuisée par ses victoires, il se laissa dire. Quatre ans plus tard il n’hésitait pas à lancer cette même armée française contre une Prusse allemande aux forces décuplées.

Sans journaux pour l’instruire, toujours sympathique à l’Italie, hostile à l’Autriche absolutiste, croyant à une Prusse libérale, la masse française ne vit pas le danger ; il fut nettement démontré au Corps législatif par quelques hommes d’études. Les serviles ne voulurent rien entendre, 219 voix contre 45 déclarèrent que loin d’être atteinte, la France devait être confiante. Ils célébrèrent comme une victoire la neutralisation du Luxembourg. Le public n’y vit qu’une guerre évitée. Au manifeste des étudiants d’Alsace-Lorraine protestant contre les haines et les guerres nationales, les étudiants de Berlin avaient répondu qu’ils protestaient,