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ses tendances autoritaires. Au lieu d’appliquer leur intelligence à conquérir la majorité, de transiger avec les circonstances et les faiblesses de leurs collègues, ils se cantonnèrent dans leur autonomie, attendant que tout le monde vint à eux comme avait fait Tridon.

Le siège l’avait présenté à la masse. Ses articles de la Patrie en danger égaux à ceux de Blanqui en lucide vigueur, dans les réunions publiques sa nette et mordante parole lui avaient valu soixante-cinq mille voix en février. Élu dans la Côte-d’Or où il avait de grandes terres, il quitta l’Assemblée de Bordeaux après le vote mutilateur. À l’Hôtel-de-Ville il parlait rarement et par éclats ; homme de sens autant que révolutionnaire, abhorrant les hâbleurs, quand il vit le creux des romantiques, l’insuffisance de ses anciens amis les blanquistes, il rompit avec eux et n’entraîna personne. Son caractère emporté, défiant, aigri encore par une maladie qui lui faisait uriner le sang et dont il mourut peu après la Commune, léguant sa fortune à la cause, le rendait impropre à ramener les esprits.

Ce rôle tentait Vermorel. Emprisonné après le 31 octobre, il avait défié les hommes de 48 de substantier, maintenant qu’ils tenaient les papiers de l’Empire, les calomnies dont il le poursuivaient. Après le siège, pris de grande tristesse comme tant d’autres, il se retira chez sa mère en province où les électeurs de Montmartre vinrent le chercher. L’air de la bataille sociale le ranima ; il se livra à corps perdu. Plus actif et laborieux qu’aucun, il ne sortait du Conseil que pour aller aux avant-postes. Le bruit de sa mort courut plusieurs fois. Malgré cet heureux accord de sens droit et de bravoure, il ne pouvait gagner d’autorité. Son extérieur le tuait. Trop grand, gauche, timide, avec une figure et des cheveux de séminariste, d’une parole précipitée qui semblait se battre avec sa pensée, il n’avait aucune faculté d’attraction.

La majorité avait bien plusieurs hommes sérieux qu’une attitude nette aurait ralliés ; cette minorité trop ergoteuse les rebutait. L’habileté de Pyat faisait le reste. La maladie de Delescluze souvent alité laissait le champ libre à ses artifices. Delescluze ne parlait jamais que pour l’union ; l’autre eût préféré la Commune morte