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l’impôt. « La France sommeille, dit-il ; l’établissement de la Commune était assurée à Lyon, à Marseille et ailleurs si on avait su agir révolutionnairement. » Il demanda l’envoi de délégués partout. Depuis le 4 avril — on verra plus loin cette émotion — les départements s’agitaient de nouveau. Sauf à Marseille, la garde nationale tenait ses fusils. Au centre, à l’est, à l’ouest, au sud, on pouvait faire de puissantes diversions, troubler certaines gares, arrêter les renforts, l’artillerie dirigés sur Versailles.

La délégation se contenta d’envoyer quelques rares émissaires, sans connaissance des milieux, sans autorité. Elle fut même exploitée par des traîtres qui empochèrent son argent et livrèrent leurs instructions à Versailles. Des républicains connus, au courant des mœurs de province, s’offrirent inutilement. Là, comme ailleurs, il fallait plaire. Enfin, pour insurger la France, on exposa en tout cent mille francs.

La délégation n’expédia qu’un nombre assez restreint de documents ; un résumé éloquent et vrai de la révolution parisienne ; deux manifestes aux paysans, l’un de Mme  André Léo, simple, chaleureux, très à la portée des campagnes : « Frère, on te trompe. Nos intérêts sont les mêmes. Ce que je demande, tu le veux aussi ; l’affranchissement que je réclame, c’est le tien… Ce que Paris veut en fin de compte, c’est la terre au paysan, l’outil à l’ouvrier. » Ces bonnes semences étaient emportées par des ballons libres, laissant échapper de distance en distance les imprimés. Combien se perdirent, ne tombèrent pas dans le sillon.

Cette délégation, créée uniquement pour l’extérieur, oublia à peu près le reste du monde. Par toute l’Europe, la classe ouvrière buvait avidement les nouvelles de Paris, combattait de cœur avec la grande ville devenue sa capitale, multipliait les meetings, les processions, les adresses. Ses journaux, pauvres pour la plupart, luttaient courageusement contre les calomnies de la presse bourgeoise. Le devoir de la délégation était d’alimenter ces auxiliaires précieux. Elle ne fit presque rien. Quelques journaux étrangers s’endettèrent jusqu’à sombrer pour soutenir cette Commune de Paris qui laissait tomber, faute de pain, ses défenseurs.