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changer l’archevêque, Deguerry, Bonjean, Lagarde, contre le seul Blanqui. Voici le fait :

Un des principaux de la préfecture, Levraud, avait demandé à l’archevêque d’intervenir auprès de M. Thiers pour arrêter les exécutions des prisonniers. Darboy fit une lettre pathétique et profita de l’occasion pour parler des otages. M. Thiers ne répondit pas. Un vieil ami de Blanqui, Flotte, alla proposer au Président un échange, dit que l’archevêque pouvait courir des dangers. M. Thiers fit un geste très significatif. Flotte reprit la négociation par Darboy, qui désigna Deguerry pour aller à Versailles. La préfecture, ne voulant pas se dessaisir d’un tel otage, le vicaire général Lagarde remplaça Deguerry. L’archevêque lui donna des instructions et, le 12 avril, Flotte conduisit Lagarde à la gare, et lui fit jurer de revenir si sa mission échouait. Lagarde jura : « Dussé-je être fusillé, je reviendrai… Pouvez-vous penser que je puisse, un seul instant, avoir l’idée de laisser Monseigneur seul ici ? » Au moment où le train allait partir, Flotte insista de nouveau : « Ne partez pas, si vous n’avez pas l’intention de revenir. » Le prêtre jura encore. Il partit et remit à M. Thiers une lettre où l’archevêque sollicitait l’échange. M. Thiers, feignant d’ignorer celle-là, répondit à la première qu’un journal de la Commune venait de publier. Sa réponse est un de ses chefs-d’œuvre d’hypocrisie et de mensonge : « Les faits sur lesquels vous appelez mon attention sont absolument faux, et je suis véritablement surpris qu’un prélat aussi éclairé que vous, Monseigneur… Jamais nos soldats n’ont fusillé les prisonniers ni cherché à achever les blessés. Que, dans la chaleur du combat, ils aient usé de leurs armes contre les hommes qui assassinent leurs généraux, c’est possible ; mais, le combat terminé, ils rentrent dans la générosité du caractère national. Je repousse donc. Monseigneur, la calomnie qu’on vous a fait entendre. J’affirme que jamais les soldats n’ont fusillé les prisonniers. » Le 17, Flotte reçut une lettre où Lagarde annonçait que sa présence était encore indispensable à Versailles. Flotte vint se plaindre à l’archevêque qui ne voulut pas croire à un abandon : « Il est impossible, dit-il, que M. Lagarde reste à