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couverts de cheveux. Une des prisonnières, la seule qui eût conservé la raison, raconta qu’elle vivait depuis dix années dans cette cage. La sœur qui faisait fonctions de supérieure, une grande et hardie virago, répondit à Rigault d’un ton de bon garçon. « Pourquoi avez-vous enfermé ces femmes ? — Pour rendre service à leurs familles ; elles étaient folles. Tenez, vous, messieurs, qui êtes des fils de famille, vous comprenez, on est quelquefois bien aise de cacher la folie de ses parents. — Mais vous ne connaissez donc pas la loi ? — Non, monsieur le commissaire, nous obéissons à nos supérieurs. — À qui ces livres ? — Je n’en sais rien. » — Elles firent ainsi les simples, coulèrent les nigauds. Des habitants du Xe arrondissement avaient mis à nu, dans les caveaux de l’église Saint-Laurent, des squelettes féminins. La préfecture ne fit qu’un semblant d’enquête qui n’aboutit pas.

Au-dessus de toutes ces fautes, l’idée d’humanité planait, tant cette révolution populaire était foncièrement saine. On ne trouve pas à la Sûreté de la Commune de ces mots de sang si familiers sous la Convention aux membres du Comité de sûreté générale : David : « Broyons du rouge » ; Vadier : « Coupons des têtes, ce sont des confiscations indispensables », Le chef de la Sûreté de la Commune de 71 a des mots de Chalier et de Chaumette : « La Commune a envoyé du pain à quatre-vingt-douze femmes de ceux qui nous tuent. Il n’y a pas de drapeau pour les veuves. La République a du pain pour toutes les misères et des baisers pour tous les orphelins. » Assaillie de dénonciations, la Sûreté déclare qu’elle ne tiendra aucun compte de celles qui seraient anonymes. « L’homme, disait l’Officiel, qui n’ose signer une dénonciation sert une rancune personnelle et non l’intérêt public. » Absolu fut le respect des prisonniers. Le 9 avril, la Commune repoussa sans discussion la proposition Blanchet de rendre aux otages les mauvais traitements infligés par Versailles aux prisonniers fédérés.

Les otages les plus précieux eurent toute liberté de faire venir du dehors nourriture, linge, livres, journaux, de recevoir les visites d’amis, jusqu’à des reporters de journaux étrangers. On offrit même à M. Thiers d’é-