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parts, pendant que les forts n’avaient pour répondre aux canons monstres de la marine que des pièces de 7 et de 12 ; souvent les munitions envoyées n’étaient pas de calibre.

Le service de l’armement ne put fournir de chassepots tous les hommes en campagne et les Versaillais, après la victoire, en trouvèrent 285 000, plus 190 000 fusils à tabatière, 14 000 carabines Enfield. À côté, le désordre. « J’ai vu des comptes épouvantables au matériel d’artillerie dit, le 6 mai, Avrial ; depuis le 18 mars, il a été délivré aux officiers des milliers de revolvers à 50 francs, des armes, des épées à un prix excessif. J’avais installé un homme à moi, le Comité Central a envoyé un délégué avec une écharpe qui a mis mon homme à la porte. » Aussitôt la Commune décrète que les fonctionnaires civils et militaires coupables de concussion passeront immédiatement devant le conseil de guerre. Le 8 encore, Johannard fait une violente sortie contre les officiers d’état-major créés par le Comité Central : « De petits jeunes gens, des hommes de toutes sortes ne se gênent pas pour venir dans nos magasins choisir les armes qui leur plaisent ! »

Dès le début, la Commune s’était plaint de l’Intendance. « C’est un véritable chaos », dit-on encore le 24 avril ; Delescluze signale le mauvais équipement des hommes, qui n’ont ni pantalons, ni souliers, ni couvertures ; le 28, les plaintes redoublent ; les frères May, intendants, sont révoqués et la Commune les flétrit par une note à l’Officiel ; le 8 mai, Varlin dit que, faute de contrôle, plusieurs bataillons ont touché plusieurs fois leurs vêtements, tandis que d’autres n’en reçoivent pas.

Aussi grand le désordre à la direction des barricades qui devaient former une seconde et une troisième enceinte. Leur construction était abandonnée à un fantaisiste qui semait des travaux sans méthode et contre les plans de ses supérieurs.

Les autres services allaient de même, sans principes arrêtés, sans délimitation, les rouages engrenant à faux. Dans ce concert sans chef, chaque instrumentiste jouait ce qu’il lui plaisait, mêlant sa partition à celle du voisin. Une main ferme eût vite ramené l’harmonie. Le Comité Central, malgré sa prétention de régenter la Commune