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continuels. Asnières, Levallois, se remplissaient de ruines. Les habitants de Neuilly végétaient, affamés, dans leurs caves. Les Versaillais lançaient, sur ces points seulement, quinze cents obus par jour, et M. Thiers d’écrire à ses préfets : « Si quelques coups de canon se font entendre, ce n’est pas le fait du Gouvernement, mais de quelques insurgés voulant faire croire qu’ils se battent lorsqu’ils osent à peine se faire voir. »

La Commune assistait les bombardés de Paris ; elle ne pouvait rien pour ceux de Neuilly pris entre deux feux. Un appel à la pitié partit de toute la presse, demandant un armistice pour l’évacuation de Neuilly. Les francs-maçons, la Ligue des droits de Paris s’interposèrent. Avec beaucoup de peine — les généraux ne voulaient pas d’armistice — les délégués de la Ligue obtinrent une suspension d’armes de huit heures. La Commune chargea cinq de ses membres de recevoir les bombardés, et les municipalités leur préparèrent un asile. Des comités de femmes partirent avec des secours.

Le 25, à neuf heures du matin, le canon se tut depuis la porte Maillot jusqu’à Asnières. Une foule immense de Parisiens vint visiter les ruines de l’avenue, la porte Maillot, monceau de terre, de granit, d’éclats d’obus, s’arrêta devant ces artilleurs accoudés sur leurs pièces déjà fabuleuses. Beaucoup se répandirent dans Neuilly. La petite ville, si coquette jadis, n’étalait plus aux rayons d’un beau soleil que ses maisons éventrées. Aux limites convenues, deux haies, l’une de lignards, l’autre de fédérés, séparés par vingt mètres d’intervalle. Les Versaillais, choisis parmi les plus sûrs, gardés par des officiers à mine de chiourme. Quand les Parisiens, bons enfants, s’approchaient des soldats, les officiers donnaient de la gueule. Comme un soldat répondait poliment à deux dames, un officier lui arracha son fusil et, croisant la baïonnette sur les Parisiennes, « Voilà comment on parle ! » Quelques personnes ayant franchi les lignes de part et d’autre, furent prisonnières. On put atteindre cinq heures sans bataille. Chaque Parisien, en rentrant, apporta son sac de terre aux fortifications de la porte Maillot. Dombrowski fit fusiller un des misérables qui avaient mis à profit les déménagements pour piller.