Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

sentèrent Tolain, dont la profession de foi fut appuyée par Delescluze, ancien commissaire général de la République, deux fois proscrit en 52 et en 58. La candidature ouvrière ne réunit que 424 voix contre 14 807 données à Garnier-Pagès, mauvaise épave du Gouvernement provisoire de 1848.

La voix des Soixante ne fut pas perdue ; les députés de la Gauche demandèrent l’abolition de la loi sur les coalitions. L’Empire consentit à la modifier et Émile Ollivier, peu disposé à jouer les spectres improductifs, accepta de soutenir le projet du Gouvernement. Il était assez perfide, autorisant les grèves sans donner le droit d’association. Malgré tout, les ouvriers surent en tirer des réductions d’heures de travail et quelques sociétés ouvrières naquirent : bronziers, bijoutiers, ferblantiers, menuisiers en sièges, imprimeurs sur étoffes, etc.

Le 28 septembre 64, plus forte que celle des Soixante, cette grande parole vola par tout le monde : « L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes. » Elle sortait de Saint-Martin’s hall, à Londres, d’une Assemblée de délégués ouvriers envoyés par plusieurs nations de l’Europe. Ils se cherchaient depuis quelques années, mais l’idée d’union n’avait pris corps qu’en 62, lorsque l’Exposition universelle de Londres eut mis en contact les délégués ouvriers de France avec les Trade’s unions d’Angleterre. Alors ce toast fut porté : « À l’alliance future entre tous les travailleurs du monde ! » En 63, dans un meeting pour la Pologne, surgit à Saint-James le programme d’une rencontre. Tolain, Perrachon, Limousin, pour la France, les Anglais de leur côté organisèrent les convocations. En 64, pour la première fois, l’Europe vit un congrès des États-Unis du travail. Nul politicien n’assista à cette séance extraordinaire, nul ne fut à la fondation du grand œuvre. Karl Marx, le puissant investigateur qui appliqua à la science sociale la méthode de Spinoza, proscrit d’Allemagne et proscrit de France, donna la noble formule. On décida que l’association s’appellerait Internationale, qu’un comité rédigerait les statuts, que le conseil général résiderait à Londres, seul asile assuré, qu’une seconde assemblée aurait lieu