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ce nom sans reproche, Félix Pyat coula sa démission, « La Commune a violé la loi, écrivit-il ; je ne veux pas être complice… » Pour se fermer tout retour, il engagea la dignité de la Commune. Si elle persiste, dit-il, il sera forcé, à son grand regret, de donner sa démission « avant la victoire. »

Cette rouerie souleva le cœur. Le Vengeur venait précisément de blâmer la suppression de trois journaux réactionnaires demandée maintes fois par Félix Pyat dans les séances secrètes. Vermorel dénonça cette duplicité. Un membre : « On a dit ici que les démissions seraient considérées comme des trahisons. » Un autre : « On ne doit pas quitter son poste quand c’est un poste de péril et d’honneur. » Un troisième demanda formellement l’arrestation de Félix Pyat. « Je regrette, dit un autre, qu’on n’ait pas compris que c’est à ceux qui nous ont nommés qu’on doit porter sa démission. » Et Delescluze : « Pour une rancune personnelle ou parce que l’idéal poursuivi n’est pas d’accord avec le projet, on ne doit pas se retirer. Croyez-vous donc que tout le monde approuve ce qui se fait ici ? Eh bien, il y a des membres qui sont restés et qui resteront jusqu’à la fin, malgré les injures qu’on nous prodigue. Pour moi, je suis décidé à rester à mon poste et si nous ne voyons pas la victoire, nous ne serons pas les derniers à être frappés sur les remparts ou sur les marches de l’Hôtel-de-Ville. »

Des bravos accueillirent cette mâle parole. Aucun dévouement n’était plus méritoire. Blanchi dans les idées de centralisation, Delescluze souffrait beaucoup de les voir attaquer. Rien n’était noble comme ce vieillard altéré de justice, étudiant à la fin de sa vie les questions sociales, dévoué au peuple, sans phrases et malgré tout. Un moment, écrasé par la maladie, attristé des séances, il parla de se retirer. Il suffit de lui dire que son départ porterait un grand préjudice à la cause du peuple et il resta pour attendre, non la victoire — aussi bien que Pyat il la savait impossible — mais la mort qui sème l’avenir.

Félix Pyat, n’osant mordre Delescluze, se retourna sur Vermorel, le traita de mouchard, et, comme Vermorel était membre de la commission de sûreté, il