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après son discours d’ouverture, se trouvant bien trop vieux pour servir une telle lutte ; sur les instances de tous ses collègues il était resté. De Plœuc, pour le recevoir, avait mis sur pied ses quatre cent trente employés armés de fusils sans cartouches. Beslay, qui le connaissait beaucoup, lui demanda de satisfaire aux nécessités de la solde. De Plœuc parla de se défendre. « Mais enfin, dit Beslay, si, pour éviter l’effusion du sang, la Commune nommait un gouverneur. — Un gouverneur ! jamais ! dit de Plœuc, mais un délégué, si ce délégué était vous, nous pourrions nous entendre. » Et passant au pathétique : « Voyons, monsieur Beslay, aidez-moi à sauver ceci : c’est la fortune de votre pays, c’est la fortune de la France. »

Beslay, très attendri, vint le soir à la Commune répéter l’argument, d’autant qu’il y croyait, se piquait de finances : « La Banque de France est la fortune du pays ; hors d’elle plus d’industrie, plus de commerce ; si vous la violez tous ses billets font faillite. » Ces niaiseries circulèrent à l’Hôtel-de-Ville. Les proudhoniens du Conseil, oubliant que leur maître a mis la suppression de la Banque en tête de son programme révolutionnaire, renforçaient le père Beslay. La forteresse capitaliste n’avait pas à Versailles de défenseurs plus acharnés. Si encore on eût dit : « Occupons au moins la Banque. » La Commune n’eut même pas ce nerf, se contenta de commissionner Beslay. De Plœuc le reçut à bras ouverts, l’installa dans le cabinet le plus proche, l’amena même à coucher à la Banque, et dès lors respira.

Dès la première semaine, elle apparaissait, la Commune, faible envers les auteurs de la sortie, le Comité Central, la Banque, légère dans ses décrets, dans le choix de son délégué à la Guerre, sans plan militaire, discutant à bâtons rompus. Les irréconciliables restés après la fuite des libéraux comprirent où l’on allait. Ne tenant pas au martyre, ils donnèrent leur démission.