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arrêtés dans la journée. Le général donne l’ordre de les relâcher et fait dire en dessous au colonel Billet de se préparer contre l’insurrection. De la place Tourny, les gardes nationaux se rendent à la préfecture, l’occupent malgré la résistance des conservateurs, et commencent quelques barricades. Des soldats arrivant par la rue des Prisons, plusieurs citoyens adjurent les officiers de ne pas commencer la guerre civile. Ceux-ci hésitent et se retirent ; le colonel Billet, à la tête d’une cinquantaine de cuirassiers, débouche sur la place de l’église Saint-Michel et ordonne à ses hommes de mettre le sabre au poing. Ils font feu de leurs revolvers ; les gardes nationaux ripostent ; le colonel est blessé mortellement. Son cheval tourne bride et, suivi par les autres, emporte le cavalier jusqu’à la place Saint-Pierre. Les gardes nationaux restent maîtres du champ de bataille. Mais, sans organisation, ils se débandèrent dans la nuit et quittèrent la préfecture. Le lendemain, la compagnie qui occupait la gare, abandonnée, se retira. Les arrestations commencèrent. Beaucoup durent se cacher.

Les révoltes des villes s’éteignaient ainsi une à une comme les cratères latéraux des volcans épuisés. Les révolutionnaires de province s’étaient montrés partout complètement inorganisés, impuissants à manier le pouvoir. Partout vainqueurs au premier choc, les travailleurs n’avaient su que crier : Vive Paris ! Du moins ils prouvèrent leur vie, leur cœur et leur fierté et que quatre-vingts ans de domination bourgeoise n’avaient pu les transformer en un peuple de sportulaires.