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entière pour ceux qui évacueraient l’édifice et à Digeon vingt-quatre heures pour gagner la frontière. Digeon réunit son conseil ; tous refusèrent de fuir. Marcou en avertit l’autorité militaire. Le général Zentz fut expédié à Narbonne.

À trois heures du matin, un détachement de turcos tâte la barricade de la rue du Pont. Les fédérés, voulant fraterniser, la franchissent. Une décharge les accueille, tue deux hommes, en blesse trois. Le 31, à sept heures, Zentz annonce que le bombardement va commencer. Digeon lui écrit : « J’ai le droit de répondre à une menace sauvage d’une façon analogue. Je vous préviens que si vous bombardez la ville, je ferai fusiller les trois personnes que j’ai en mon pouvoir », Zentz arrête le porteur de la lettre et fait distribuer de l’eau-de-vie aux turcos. Ces Arabes arrivaient à Narbonne comme à une razzia et avaient déjà pillé trois cafés. Le procureur général envoie encore deux parlementaires. Il maintient l’amnistie offerte la veille pour tous ceux qui évacueront l’hôtel de ville avant l’ouverture du feu ; l’exécution des otages sera punie du massacre de tous les occupants. Digeon écrit ces conditions sous la dictée d’un des parlementaires, les lit aux fédérés, laisse chacun libre de se retirer. En ce moment, le procureur général se présente avec les turcos devant la terrasse du jardin. Digeon y court, le procureur harangue la foule et parle d’indulgence. Digeon proteste : on vient de promettre l’amnistie. Le procureur rompt la discussion par un roulement de tambours, va répéter les sommations légales devant la façade de l’hôtel de ville et réclame les otages que les soldats transfuges lui remettent.

Ces pourparlers avaient profondément énervé la défense. L’hôtel de ville ne pouvait tenir contre un bombardement qui aurait saccagé la ville. Digeon le fait évacuer et s’enferme seul dans le cabinet du maire, résolu à disputer sa vie. La foule accourt et, malgré sa résistance, l’enlève. L’hôtel de ville était vide quand les turcos arrivèrent. Ils maraudèrent dans tous les coins ; on vit de leurs officiers se parer d’objets volés.

De nombreux mandats d’arrêt furent lancés, malgré les promesses formelles. Digeon refusa de fuir, écrivit