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tionaux jusque dans la préfecture où ils les suivent et sont faits prisonniers. Les fenêtres de la préfecture se garnissent de fusillade. Les chasseurs et les gardes nationaux de l’ordre tirent du cours Bonaparte et des maisons avoisinantes. Celle des Frères ignorantins fournit un feu roulant.

La fusillade durait depuis deux heures, et aucun renfort n’arrivait aux fédérés. Inexpugnables dans la préfecture, solide bâtiment carré, ils n’en étaient pas moins vaincus, n’ayant ni vivres, ni beaucoup de munitions. Il suffisait pour les réduire d’attendre, l’arme au pied, qu’ils eussent épuisé leurs cartouches. Mais le général du Sacré-Cœur ne voulait pas un demi triomphe. C’était sa première campagne ; il lui fallait du sang et surtout du bruit. À onze heures, il fit bombarder la préfecture, du haut de Notre-Dame de la Garde, distante de 500 mètres. Le fort Saint-Nicolas ouvrit aussi son feu ; moins clairvoyants que ceux de la Sainte-Vierge, ses obus effondrèrent les maisons aristocratiques du cours Bonaparte et tuèrent un de ces gardes de l’ordre qui faisaient le coup de feu derrière les soldats. À trois heures, la préfecture hissait le drapeau parlementaire. Espivent continua de tirer. Un parlementaire fut envoyé. Espivent prétendait qu’on se rendît à discrétion. À cinq heures, trois cents obus avaient atteint l’édifice et blessé beaucoup de fédérés. Peu à peu, les défenseurs n’étant pas secourus abandonnèrent la place. La préfecture ne tirait plus depuis longtemps que Espivent la bombardait encore. À sept heures et demie, les marins de la Couronne et de la Magnianime se lancèrent courageusement dans la préfecture vide. « Elle a été prise d’assaut, dit M. Thiers aux jocrisses de l’Assemblée, et savez-vous comment ? À la hache d’abordage ! » (Mouvement.)

Ils trouvèrent les otages sains et saufs ainsi que les chasseurs pris dans la matinée. La répression jésuitique fut atroce. Les gens de l’ordre arrêtaient au hasard et traînaient leurs victimes dans la lampisterie de la gare. Là, un officier dévisageait les prisonniers, faisait signe à tel ou tel d’avancer et lui brûlait la cervelle. Les jours suivants, on entendit parler d’exécutions sommaires dans les casernes, les forts et les pri-