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les deux pouvoirs. Le 30, le conseil répondit à la délibération du Musée par une proclamation des chefs des bataillons réactionnaires. La commission riposta par un manifeste où elle demandait l’autonomie de la Commune, l’abolition des préfectures ; là-dessus, le conseil déclara le secrétaire général du préfet représentant légal du gouvernement et l’invita à reprendre son poste. Le secrétaire fit la sourde oreille et se réfugia sur la frégate la Couronne mouillée au nouveau port. Beaucoup de conseillers portèrent aussi leur bonnet de nuit à bord, précaution bien gratuite, car les réactionnaires les plus notoires allaient et venaient sans être inquiétés. L’énergie de la commission était de gestes. Elle n’arrêta que deux ou trois fonctionnaires : le procureur, le substitut, un moment le directeur de la douane et le fils du maire. Le général Ollivier fut relâché dès qu’on sut qu’il avait refusé de faire partie des commissions mixtes de 51. On eut même la bonhomie de laisser, à deux pas de la préfecture, un poste de chasseurs oublié par Espivent. La fuite du conseil en parut plus honteuse. La ville continua d’être calme, gouailleuse. L’aviso le Renard étant venu montrer ses canons à la Cannebière, la foule le hua si bien qu’il fila son câble et rejoignit la frégate.

La commission en conclut qu’on n’oserait pas l’attaquer et ne prit aucune mesure de défense. Elle pouvait armer Notre-Dame-de-la-Garde qui commande la ville et enrôler un grand nombre de garibaldiens. Quelques officiers de la dernière campagne s’offraient à tout organiser. La commission les remercia, dit que les troupes ne viendraient pas, qu’en tout cas, elles fraterniseraient. Elle se contenta d’arborer le drapeau noir, d’adresser une proclamation aux soldats et d’accumuler à la préfecture des armes et des canons sans projectiles de calibre. Landeck, lui, voulut se distinguer. Il déclara Espivent déchu de son grade et nomma en sa place un ancien brigadier de cavalerie, Pélissier. « Jusqu’à son entrée en fonctions, disait l’arrêté, les troupes resteront encore sous les ordres du général Espivent. » Cette bonne farce datée du 1er  avril. Devant le conseil de guerre, Pélissier eut un mot heureux. Quand on lui dit : « De quelles armées, de quoi étiez-vous général ?