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ses officiers : « Qu’on les fusille ! » Duval et ses camarades dédaignent de répondre, franchissent un fossé, viennent s’adosser contre un mur, se serrent la main, crient : « Vive la Commune ! » meurent pour elle. Un cavalier arrache les bottes de Duval et les promène comme un trophée ; un rédacteur du Figaro s’empara du faux-col ensanglanté[1].

L’armée de l’ordre, reprenant l’horrible tradition de juin 48, massacrait les prisonniers. Elle avait commencé le 2. Le 3, à Chatou, le général Galliffet avait fait fusiller trois fédérés surpris dans une auberge où ils prenaient leur repas, et publier ce féroce bando : « La guerre a été déclarée par les bandits de Paris… Ils m’ont assassiné mes soldats… C’est une guerre sans merci que je déclare à ces assassins… J’ai dû faire un exemple. »

Le général qui appelait les combattants parisiens des bandits et trois assassinats un exemple n’était autre que le chenapan de la guerre du Mexique devenu général de brigade ensuite d’une charge à Sedan qu’il n’avait pas conduite. Rien n’est plus édifiant, dans cette guerre civile, que les porte-drapeaux des honnêtes gens.

Leur bande, au grand complet, accourut dans l’avenue de Paris pour recevoir les prisonniers de Châtillon. L’émigration parisienne, fonctionnaires, élégantes, filles du monde et filles publiques, les chacals et les hyènes vinrent frapper les captifs des poings, des cannes, des ombrelles, arrachant képis et couvertures, criant : « À l’assassin ! À la guillotine ! » Parmi les assassins, marchait Elisée Reclus pris avec Duval. Pour laisser aux fureurs le temps de s’assouvir, l’escorte fit plusieurs haltes avant de conduire les prisonniers à la caserne des gendarmes. Ils furent ensuite jetés dans les hangars de Satory et de là acheminés sur Brest dans des wagons à bestiaux.

Picard voulut associer tous les honnêtes gens de France à cette curée. « Jamais, télégraphia ce Falstaff

  1. Vinoy écrivit : « Les insurgés jettent leurs armes et se rendent à discrétion ; le nommé Duval est tué dans l’affaire. »