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suites. Le R. P. Tissier, quoique absent, continuait de la diriger. La modération des clubs lui parut lâcheté ; elle se crut assez forte pour un coup d’éclat.

Le soir, l’amiral tint conseil avec le maire Bories, qui avait traîné dans les coalitions clérico-libérales le procureur de la République Guibert, timide et flottant, et le général Espivent de la Villeboisnet, une de ces sanglantes caricatures qu’engendrent les guerres civiles sous l’Equateur. Légitimiste obtus, dévot hébété, syllabus articulé, général d’antichambre, ancien membre des commissions mixtes, pendant la guerre chassé de Lille par le peuple indigné de son ineptie et de ses antécédents, il apporta à la préfecture le mot d’ordre des prêtres et des croquemitaines réactionnaires : une manifestation de la garde nationale en faveur de Versailles. Il eût demandé mieux sans doute, si toute sa garnison n’eût été que quelques épaves de l’armée de l’Est et des artilleurs débandés. L’amiral-préfet, totalement abusé, approuva la manifestation, donna l’ordre au maire et au colonel de la garde nationale de s’y préparer.

Le 23 mars, à sept heures du matin, le tambour bat et les bataillons populaires répondent. À dix heures, ils sont au cours du Chapitre, l’artillerie de la garde nationale s’alignant sur le cours Saint-Louis. À midi, francs-tireurs, gardes nationaux, soldats de toutes armes se mêlent et se groupent sur le cours Belzunce. Les bataillons de la Belle-de-Mai et d’Endoume arrivent au complet, criant : « Vive Paris ! » Les bataillons de l’ordre manquent au rendez-vous.

Le conseil municipal s’épouvante, désavoue la manifestation, affiche une adresse républicaine. Le club de la garde nationale se rallie au conseil, et demande le retour de l’Assemblée à Paris, l’exclusion des fonctions publiques de tous les complices de l’Empire.

Les bataillons piétinent sur place, crient : « Vive Paris ! » Des orateurs populaires passent sur leur front, les haranguent. Le club qui voit l’explosion imminente envoie Crémieux, Bouchet et Frayssinet demander au préfet de faire rompre les rangs et de communiquer les dépêches de Paris. Les délégués discutent avec Cosnier quand une clameur immense part de la place. La préfecture est cernée.