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de ville, pendant qu’on fouille la maison d’où l’on croit que l’agression est venue.

Au bruit des coups de feu, le préfet rompt la conférence et recommence sa fugue de la nuit. Il se trompe de couloir, est reconnu, saisi, ainsi que le substitut du procureur de la République, ramené avec lui dans la grande salle et montré au balcon. La foule le hue, convaincue qu’il a fait tirer sur le peuple. Un garde national de l’ordre, M. de Ventavon, cherchant à sortir de la mairie, est pris pour le meurtrier de Lyonnet et promené sur la civière qui a porté le cadavre à l’hôpital.

Le préfet et le substitut restent dans la grande salle, une fournaise. On accuse de l’Espée d’avoir, l’année précédente, fait tirer sur les mineurs d’Aubin. Il proteste, n’a pas dirigé ces mines, mais celles d’Archambault. On le presse de proclamer la Commune ou de donner sa démission. Il résiste, discute. Peu à peu la foule, fatiguée, s’écoule. À huit heures, une dizaine de gardes seulement restent dans la salle et les prisonniers prennent quelque nourriture. Le président de la commission qui s’organise dans un cabinet voisin, voyant tout tranquille, se retire. À neuf heures, la foule revient. Les colères renaissent. On crie au préfet : « La Commune, la Commune ! Signez ! » De l’Espée offre de signer, s’il peut ajouter qu’il a été contraint. Il était avec le substitut sous la main de deux exaltés, Victoire et Fillon ; ce dernier, ancien proscrit, cerveau détraqué, se tournait tantôt contre la foule, tantôt contre les prisonniers. À dix heures, il se produit une poussée. Fillon se retourne, lâche au hasard deux coups de revolver, tue son ami Victoire et blesse un tambour. Instantanément, les fusils s’abattent ; Fillon et de l’Espée tombent morts. Le substitut, couvert par le corps de Fillon, a échappé à la décharge. Le lendemain, il fut mis en liberté, ainsi que M. de Ventavon.

Pendant la nuit, une commission se constitua, prise parmi les officiers de la garde nationale et les orateurs habituels du club de la Vierge. Elle fit occuper la gare, s’empara du télégraphe, des cartouches de la poudrière et convoqua les électeurs pour le 29. « La Commune, dit-elle, n’est ni l’incendie, ni le vol, ni le pillage, comme on se plaît à le répéter, mais la conquête des franchises