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plâtras d’Empire, — le préfet de police Pietri l’a reconnu. D’instinct, le peuple offrait son bras. La Gauche refusait l’émeute libératrice et abandonnait à l’Empire le soin de sauver la France. Les Turcs, eux-mêmes, en 1876, eurent plus d’intelligence et de ressort.

Trois semaines durant, la France glissera dans l’abîme devant des impérialistes immobiles, et une Gauche qui se bornera à des exclamations.

Quelques mois plus tard, à Bordeaux, j’entends une Assemblée hurler après l’Empire et, à Versailles, des clameurs enthousiastes pour le grand seigneur qui déclame : « Varus, rends-nous nos légions ! » Qui fulmine, qui applaudit de la sorte ? Cette haute bourgeoisie qui, dix-huit années durant, muette et le front dans la poussière, tendit des légions à Varus.

Elle avait accepté le second Empire par peur du socialisme comme ses pères s’étaient offerts au premier pour clore la Révolution. Napoléon Ier lui rendit deux services qu’elle n’a pas trop payés par l’apothéose. Il lui fit une centralisation de fer et déporta dans la tombe des cent mille de misérables qui, tout chauds encore du simoun révolutionnaire, pouvaient, au premier moment, réclamer leur part de biens nationaux. Mais il la laissa bâtée pour tous les maîtres. Quand elle arriva au gouvernement parlementaire où Mirabeau voulait l’élever d’un seul bond, elle était tout à fait incapable de gouverner. Sa mutinerie de 1830, transformée en révolution par le peuple, fut un avènement d’estomacs. Les hauts bourgeois de 1830 n’ont qu’une pensée comme ceux de 89 : se gorger de privilèges, armer la forteresse qui défend leurs domaines, exploiter un prolétariat nouveau. L’avenir du pays ne leur est rien s’ils s’engraissent. Pour conduire, compromettre la France, le roi orléaniste a carte blanche autant que l’impérieux César. Lorsque, en 48, un nouvel élan du peuple leur met la barre en main, au bout de trois années, malgré proscriptions et massacres, elle fuit leur main goutteuse, glisse au premier venu.

De 51 à 69, ils reprennent leur ruminement de Brumaire. Leurs privilèges saufs, ils laissent Napoléon III gaspiller la France, l’inféoder à Rome, la déshonorer au Mexique, l’isoler en Europe, la mener au