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frontière ! » Des officiers murmurent : « Notre place n’est pas ici ! »

Salle des Pas-Perdus, des républicains connus qui ont forcé la consigne, apostrophent les députés impériaux, appellent la République. Les mamelucks blafards glissent derrière les groupes. M. Thiers arrive effaré ; on l’entoure, il répond : « Eh bien ! faites-là, votre République ! » Le président Schneider passe, allant au fauteuil, on lui crie : « La déchéance ! »

Les députés de la Gauche, pressés par les délégués du dehors : « Qu’attendez-vous ? Nous sommes prêts ! Montrez-vous sous la colonnade ou aux grilles ! » paraissent ahuris. — « Êtes-vous assez nombreux ? Ne vaut-il pas mieux remettre à demain ? » Il n’y a en effet que cent mille hommes. Quelqu’un vient dire à Gambetta : « Nous sommes plusieurs milliers place Bourbon. » Un autre, celui qui raconte : « Saisissez la situation, elle est sauvable ; demain, vous serez forcé de la prendre quand elle sera désespérée. » Il ne sort rien de ces cerveaux alourdis, aucune parole de ces bouches béantes.

La séance s’ouvre. Jules Favre invite cette Assemblée du désastre à saisir le Gouvernement. Les mamelucks furieux, menacent et, salle des Pas-Perdus, Jules Simon revient les cheveux au vent. « Ils veulent nous fusiller ; je suis descendu au milieu de l’enceinte, les bras croisés et je leur ai dit : « Eh bien, fusillez-nous ! » On lui dit : « Finissez-en ! » — « Oui, fait-il, il faut en finir ! » et, tragique, il rentre s’asseoir.

Là finissent leurs simagrées. Les mamelucks, qui connaissent la Gauche, reprennent aplomb, s’allègent d’Emile Ollivier, font un ministère de coup de main, Palikao le pillard du palais d’Été. Schneider lève précipitamment la séance. Le peuple, mollement repoussé par les troupes, revient se masser à la tête des ponts, court après ceux qui sortent de la Chambre, croit à chaque instant la République proclamée. Jules Simon, loin des baïonnettes, le convoque pour le lendemain sur la place de la Concorde. Le lendemain, la police occupe toutes les avenues.

La Gauche laissait à Napoléon III nos deux dernières armées. Le 9 août une poussée suffisait pour jeter bas ce