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confiance. Il avait renvoyé deux fois les élections et les bataillons fédérés, debout depuis le 18, étaient réellement exténués. Ranvier et Arnold vinrent le soir à la mairie du IIe maintenir la date du 26. Certains maires et adjoints qui n’avaient qu’un but — ils l’ont avoué depuis — donner à Versailles le temps de s’armer, crièrent à la mauvaise foi. « Le citoyen Brunel, leur répondit Ranvier, n’a reçu aucun autre mandat que d’occuper les mairies. » La discussion fut très vive. Arnold et Ranvier se retirèrent à deux heures du matin, laissant les plus intraitables calculer les chances d’une résistance. L’irrépressible Dubail composa un appel aux armes, l’envoya imprimer, passa la nuit avec le fidèle Héligon à transmettre des ordres aux chefs de bataillons et fit entrer des mitrailleuses dans la cour de la mairie.

Pendant que leurs amis s’acharnaient à la résistance, les ruraux se croyaient trahis. Plus nerveux d’heure en heure, étant privés de leur confort, campés dans les couloirs du château ouverts aux vents et aux paniques. Les allées et venues des maires les irritaient, la proclamation de Saisset les exaspéra. Ils crurent que M. Thiers courtisait l’émeute, que le petit bourgeois, comme il s’est hypocritement appelé, voulait jouer les monarchistes, avec Paris levier les faire basculer ; ils parlaient de nommer général en chef l’un des d’Orléans, Joinville ou d’Aumale. Le complot pouvait éclater à la séance du soir où devait venir la proposition des maires. M. Thiers les prévint, les supplia d’ajourner toute discussion, dit qu’une parole malheureuse ferait couler des torrents de sang. Grévy escamota la séance en dix minutes ; le bruit du complot ne put être étouffé.

Le samedi était le dernier jour de la crise. Il fallait que le Comité Central ou les maires fussent brisés. Le Comité fit afficher le matin même : « Nous avons loyalement offert à ceux qui nous combattaient une main fraternelle, mais le transfert des mitrailleuses à la mairie du IIe, nous oblige à maintenir notre résolution. Le vote aura lieu dimanche 26 mars. » Paris qui croyait la paix définitivement conclue et, pour la première fois depuis cinq jours, avait dormi tranquille, fut