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venaient chercher leurs maris, leur disaient : « Ne t’en mêle plus ». Les officiers bonapartistes, dépassant la mesure, agaçaient. Le programme des maires — soumission complète à Versailles — décourageait la bourgeoisie moyenne. L’état-major de cette armée en débandade avait été très sottement placé au Grand-Hôtel. Là, siégeait le trio de toqués, Saisset, Langlois, Schœlcher, de l’extrême confiance passés au découragement. Le plus fêlé, Saisset, imagina d’afficher que l’Assemblée avait accordé la reconnaissance complète des franchises municipales, l’élection de tous les officiers de la garde nationale, y compris le général en chef, des modifications à la loi sur les échéances, un projet de loi sur les loyers favorable aux locataires. Ce canard ne pouvait mystifier que Versailles.

Il fallait aboutir. Le Comité Central chargea Brunel d’enlever les mairies du Ie et du IIe. Brunel, avec 600 hommes de Belleville, deux pièces d’artillerie, accompagné de deux délégués du Comité, Lisbonne et Protot, se présente à trois heures à la mairie du Louvre. Les compagnies de l’ordre prennent un air de résistance ; Brunel fait avancer ses canons ; on lui cède le passage. Il déclare aux adjoints Méline et Edmond Adam que le Comité veut les élections à bref délai. Les adjoints intimidés, font demander à la mairie du IIe l’autorisation de traiter. Dubail répond qu’on peut promettre les élections pour le 3 avril. Brunel exige la date du 30 ; les adjoints cèdent. Les gardes nationaux des deux camps saluent cet accord avec enthousiasme et, mêlant leurs rangs, se dirigent vers la mairie du IIe. Sur le passage, les croisées se garnissent, des applaudissements les accompagnent. Rue Montmartre, quelques compagnies de boursiers veulent barrer la voie. On crie : « La paix est faite ! » À la mairie du IIe, Dubail, Vautrain, Schœlcher refusent de ratifier la convention. Mais les membres de la réunion l’acceptent ; un immense cri de joie annonce la nouvelle. Les bataillons populaires, salués par les bataillons bourgeois, défilent rue Vivienne et sur les boulevards traînant leurs canons que des gamins chevauchent, des branches vertes à la main.

Le Comité Central ne pouvait s’abandonner à cette